L’art, étudié par Léo Spitzer, des transitions chez La Fontaine... Les blancs sans transition de Flaubert... Le fragment ou le continu... Mais aussi, les mouvements, les styles, les auteurs de transition...

Le spectre des jeux possibles avec le concept ou l’image de « transition » dans les analyses de la littérature est infini : et chacun doit avoir ici la latitude d’inventer sa « manière ». Quelques citations cependant dessineront les déplacements que nous souhaitons introduire avec ce petit mot.

La première bien sûr est de Donald Winnicott, dans un article où il montre l’étroite parenté de l’espace transitionnel et de l’expérience culturelle : « un trait essentiel des phénomènes et des objets transitionnels est dans une certaine qualité de notre attitude, dans le temps même où nous les observons. »

La seconde, c’est la célèbre définition de l’aura par Walter Benjamin : « une singulière trame d’espace et de temps : l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il. » Cette phrase est à rapprocher de sa défense de la mode, « saut du tigre dans le passé », aussi bien que de la révolution : « L’historien matérialiste ne saurait renoncer au concept d’un présent qui n’est point passage, mais arrêt et blocage du temps. Car un tel concept définit justement le présent dans lequel, pour sa part, il écrit l’histoire. L’historicisme compose l’histoire “éternelle” du passé, le matérialisme historique dépeint l’expérience unique de la rencontre avec ce passé. Il laisse d’autres se dépenser dans le bordel de l’historicisme avec la putain “Il était une fois”. Il reste maître de ses forces : assez viril pour faire éclater le continuum de l’histoire. »

Avec le concept de « transition », nous voulons introduire un tour supplémentaire – peut-être une sorte de compromis – certainement en tout cas l’abandon de l’éclat trop insistant de l’unique « virilité ». L’apparition d’un lointain, la rencontre avec le passé peuvent ne pas être « uniques », événement surgissant « en un éclair » et brisant soudain « le temps homogène et vide »  : il suffit peut-être, pour que le présent se reconnaisse visé par le passé, que « la continuité cède le pas à la contiguïté » (Winnicott).

Le temps fait des plis dans l’espace, sans quoi la transmission, y compris la transmission de la révolte, serait tout simplement impossible... 

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