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Lise Forment

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Octobre 2018

 

 

 

Le tempo de Transitions

 

Le tempo de Transitions change cette année : il ralentit et accélère, il prend quelques semaines pour mieux sauter et vous livrer tous les premiers samedis du mois un ensemble de textes, fragments et réflexions, articles et comptes rendus, commentaires et créations. De l’Abécédaire, ce sont trois fragments que vous recevrez, au minimum, car chaque mois paraîtront une ou plusieurs définitions de trois nouveaux mots. Et le mois suivant, pourront encore être mises en ligne des définitions « réponses » ou « échos ». Il y aura aussi dans notre petit paquet un exergue et une saynète, 1+1, ou davantage au gré de notre humeur. Sans rythme prédéfini, nous ajouterons et multiplierons les livraisons dans les autres rubriques : des articles dans Intensités et Littérarités ; des comptes rendus de colloques (toujours dans Littérarités) et de séminaires (dans Présents) ; des réflexions sur l’école, des réponses à notre questionnaire sur la littérature et des séquences pour le collège et le lycée dans la rubrique Enseignements ; la suite de notre roman feuilleton et d’autres surprises dans Juste ; des inédits, des republications et des archives dans Hospitalités.

C’est dans cette accueillante rubrique que vous pouvez entendre la voix de Patrice Loraux, chère à Transitions, si précieuse pour nous, qui cherchons le tempo de notre pensée, négocions nos résistances et nous démenons avec nos détours. Augustin Leroy place ainsi sa définition du « Bond » sous l’égide du penseur et s’interroge : entre le pont de la philosophie et le bond de la poésie, quel passage fait véritablement transition ? quelle allure emprunter ? On est tenté de suivre l’adolescent Rimbaud – surtout ne pas rester parmi les Assis… Mais ne haïssait-il pas ses pères avec le même « courage de fou » que les enfants de Mishima ? Dans Le Marin rejeté par la mer, ceux-ci s’affranchissent de ces paternelles « mouches du monde », de leur médiocrité qui les déçoit, les trahit, les infecte. Les enfants parricides de Mishima refusent le travail transitionnel à accomplir pour se « familiariser avec l’absence et la menace de la désorientation ». Natacha Israël le dit : ce travail est quasi inhumain si, « une fois le livre refermé », on doit œuvrer seul… Saint Augustin et le lecteur-modèle qu’il donne à ses Confessions peuvent compter sur la communauté des catholiques à laquelle ils appartiennent et qui rira de toutes leurs turpitudes « doucement et aimablement ». Ce « nous », aussi liant et universel qu’il souhaite devenir, dessine une civilité un peu trop miraculeuse pour être humaine, mais dans la saynète qu’écrit Pierre-Élie Pichot, on « aime » à trouver et « à penser » le langage d’une amitié qui l’est.

La transitionnalité n’est pas le propre de ces écritures, mais dans l’espace de jeu, parfois infime, que ménagent leurs livres, on peut lire transitionnellement Mishima et Augustin. À l’opposé, Hélène Merlin-Kajman, dans son exergue du mois, fait resurgir les mots périmés d’un historien des années soixante-dix sur « notre » civilisation : c’est une « transition qui ne transite plus », mais plus du tout… sauf que le commentaire d’Hélène Merlin-Kajman sur cette affaire de fourchettes nous entraîne dans un autre espace, résolument fictif et résolument transitionnel ! D’autres textes et d’autres scènes sont sans doute plus propices à ce travail : l’ouverture d’un film de Maurice Chevalier qui aide Boris Verberk à saisir en quelques lignes la litote du « baiser » ; la première nouvelle de Madame de Lafayette qui dit toute la délicatesse de nos liens et la nécessité d’en prendre soin – bien au-delà, selon moi, des leçons de bienséance, de préciosité ou d’augustinisme qu’elle est réputée nous donner ; la nouvelle séquence de Virginie Huguenin qui aborde avec tact la question du monstrueux, ose parler d’injustice divine et fait ainsi réfléchir ses jeunes élèves à la diversité des croyances.

« Celui qui parle et celui qui écoute sont deux funambules susceptibles de faire une mauvaise chute à tout instant », écrit Natacha Israël… Mais tout cela s’effeuille, avec enjouement, tels les deux artichauts de notre abécédaire et leurs cœurs fondants ! Apprendre à laisser aller, à bondir sans oublier, à « converser pour de bon » : un beau programme pour cette année qui débute.

 

 
 
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