Séminaire

Séance du 10 juin 2013

 

Préambule

Transition ne veut pas dire communication, médiation, réconciliation… Gérald Sfez nous aidait déjà à le penser dans ses deux articles publiés sur le site, à propos de la beauté, qui n’est pas un « corridor symbolique entre l’imaginaire et le réel », et du rapport « étanche » de l’enfance à l’âge adulte chez Lyotard. C’est de là que nous repartons avec lui. Comment penser ce que la transition doit à ce qui ne transite pas ? Ce que la phrase articulée doit à la « phrase-affect », ce que la parole doit à ce qui ne se dit pas ? Ce que l’esthétique doit conserver de l’anesthésie si elle veut permettre d’en sortir ?

C’est à une approche par rebonds successifs que nous convie Gérald Sfez, à une pensée pendulaire, discutant de manière très serrée les travaux de J.-F. Lyotard pour ne pas aplanir « l’autre dans le même », sans se faire pourtant apôtre de l’incommunicabilité radicale (peut-être, suggère-t-il ainsi, n’était-il pas nécessaire de théoriser aussi radicalement une phrase-affect sans adresse). Nous voici interrogeant le rapport entre, d’une part, l’enfance et la terreur (H. Merlin-Kajman), la solitude, le « monologue sans adresse », et, d’autre part, le langage, l’art, la littérature. D’un bord à l’autre – sans communication, sans médiation, sans réconciliation. Car G. Sfez insiste : il importe de ne pas réduire la littérature à un objet social. Pour cette raison, il dit sa préférence pour le terme d’« écriture », plus apte à rendre compte de cette indétermination constitutive de l’acte d’écrire, indétermination dans le fait de savoir si, en écrivant, il y aura ou non idiome.

La littérature, pas un objet social ? Pas au sens que lui donne Bourdieu, comme pur produit de l’institution, d’accord – cela est clair à Transitions. Mais « social » dans le sens où la littérature pourrait être en charge de ce qui dans la société est toujours divisé, où elle comprendrait quelque chose qui n’est pas que du langage, et où, en retour, son existence dépendrait de l’espace que lui ménage la société (H. Merlin-Kajman) ? Ces questions sont revenues tout au long de notre séminaire du premier semestre : la littérarité s’accroche-t-elle à la civilité ? Comment ? On s’approche, on est peut-être tout près, mais « la coprésence ne suffit pas à rendre compte de l’entrelacs », nous disait ce jour-là Gérald Sfez. Pas simple de penser l’entrelacs ; pas lassant de ne pas le lâcher.

S. N.

Gérald Sfez est professeur de philosophie (Khâgne, lycée La Bruyère de Versailles). Il a écrit de nombreux ouvrages de philosophie, notamment sur Machiavel, Léo Strauss, Jean-François Lyotard. Il vient de publier La langue cherchée (Hermann, 2011) qui porte sur la pensée de la modernité sur la langue (Barthes, Deleuze, Lyotard...) avant de la confronter à celle d'écrivains comme Camus, Michaux, Quignard...

 

 

 

 

 

Rencontre avec Gérald Sfez

Autour de Jean-François Lyotard

 

 

 
 

22/03/2014

 

 

Présents : Benoît Autiquet, Marie-Hélène Boblet, Gilbert Cabasso, Adrien Chassain, Samuel Estier, Mathilde Faugère, Mitchell Greenberg, Virginie Huguenin, Jean-Nicolas Illouz, Natacha Israël, David Kajman, Kanokwan Katawan, Moudar Mahlouf, Florence Magnot, Sarah Mouline, Emmanuelle Mortgat-Longuet, Sarah Nancy, Michel Olivier, Clément Pinteaux, Tiphaine Pocquet, Grégoire Quevreux, Sam Racheboeuf, Madeleine Savart, Brice Tabeling, Marie-Claire Vallois, Ningjun Zhuang.

           

           

Plan de la séance :

00 : 02 : 40 Exposé de Gérald Sfez

00 : 54 : 26 Question d’Hélène Merlin-Kajman : Peux-tu revenir sur ce rapport entre enfance et terreur que suppose la réflexion de Lyotard ?

01 : 08 : 14 Question de Gilbert Cabasso : Quelle lecture Lyotard pouvait-il avoir des analyses de H. Arendt sur Idéologie et terreur ?

01 : 15 : 57 Question de Sarah Nancy : Pourquoi écartez-vous la littérature au profit de l’écriture ? Qu’est-ce que cela change ? Avons-nous encore un objet commun ?

01 : 23 : 28 Question de Jean-Nicolas Illouz : Comment expliquez-vous que la phrase sans adresse soit celle qui parle le plus, le mieux ?

01 : 29 : 46  Question de Samuel Estier : Ce que vous dites me fait penser au concept de transpassibilité, utilisé par Henri Maldiney ainsi que par Ludwig Binswanger, dans la lignée de Heidegger. Comment vous situez-vous par rapport à cette famille de pensée ?

01 : 32 : 03 Question d’Hélène Merlin-Kajman : Si l’on considère que la société est elle-même divisée, ne peut-on pas considérer que la littérature est bien un « objet social » ?

01 : 50 : 33 Question Gilbert Cabasso : La façon dont vous analysez le rapport du langage à l’enfant me fait penser au passage où Proust décrit une émotion de la perception de la pluie ponctuée par « zut, zut, zut, zut. » Êtes-vous d’accord avec ce rapprochement ?

01 : 55 : 04 : Question d’Adrien Chassain : Mais ce « zut, zut, zut, zut » reste la phrase de l’enfant, tandis que le narrateur est un apôtre de la traduction. N’est-ce pas là que la littérature commence ? N’est-on pas alors en porte-à-faux avec les catégories de Lyotard ?

           

Auteurs et œuvres cités dans la discussion :

           

Jean-François Lyotard, Discours, figure, 1971.

Emmanuel Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence.

Theodor W. Adorno, Minima Moralia. Reflexionen aus dem beschädigten Leben, Francfort/Main, Suhrkamp, 1951 ; Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée, Paris, Payot, 1980.

Jean-François Lyotard, Moralités postmodernes, Paris, Galilée, 1993.

Ludwig Wittgenstein

Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir.

J.-F. Lyotard, Lectures d’enfance.

Paul Valéry, Cahiers.

J.-F. Lyotard, L’assassinat de l’expérience par la peinture, Monory.

Blaise Pascal

Georges Bataille

Georges Orwell, 1984.

Hannah Arendt, Idéologie et terreur.

Michel Foucault

Jacques Rancière

Roman Jakobson

Jean Starobinski, Diderot, un diable de ramage, Gallimard, 2012.

Ludwig Binswanger

Henri Maldiney

Pierre Bourdieu

Marcel Proust

Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture.

Henri Michaux

Charles Baudelaire

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