Séminaire

Séance du 13 avril 2015

 

Préambule

 Y a-t-il une esthétique de la haine, comme l'expose ici Jan Miernowski, venu discuter avec Transitions de son dernier livre, La Beauté de la haine  ? La question est cruciale, car l'hypothèse met à mal deux certitudes très ancrées dans la conscience (faudrait-il dire dans la bonne conscience ?) des chercheurs et enseignants en littérature. La première, c'est que la littérature se situe au-delà du bien et du mal et que ses fins ne sont pas morales. La seconde, c'est que sa liberté consonne fatalement avec l'esprit critique et l'émancipation. Les exemples que donne Jan Miernowski sont d'autant plus parlants qu'ils mettent en lumière l'existence, sur le très long terme de la culture lettée, de pratiques scripturaires ou oratoires qui ont pour but de diffuser (de répandre) le « sentiment abject » de la haine. En nous interpellant sur ces questions, Jan Miernowski déplace notre regard et nous met en demeure de transformer notre lexique politico-critique face à ces textes : suffira-t-il d'innocenter un texte de la haine qu'il véhicule - et veut véhiculer, et qu'il rend belle - au motif qu'il serait sublime, ou subversif ? Suffira-t-il d'analyser finement ses trouvailles rhétoriques ou esthétiques ?

Outre l'importance de ce sujet, il convient donc de saluer aussi le courage qu'a Jan Miernowski d'affronter ces textes à partir de cet étrange oxymore.

Jan Miernowski est professeur à l'Université du Wisconsin (USA) et spécialiste de la littérature française du XVIe siècle. Il a notamment publié, outre La Beauté de la haine (Genève, Droz, 2014), Signes dissimilaires. La quête des noms divins dans la poésie française de la Renaissance (Genève, Droz, 1997), Le Dieu Néant. Théologies négatives à l'aube des temps modernes (Leiden - New York - Koln, E. J. Brill, 1998), L'ontologie de la contradiction sceptique. Pour une étude de la métaphysique des Essais (Champion, Paris, 1998), et dirigé Le Sublime et le grotesque (Genève, Droz, 2014).

H. M.-K.

 

 

 

 

Rencontre avec Jan Miernowski

 

 
 

13/04/2015

 

La Beauté de la haine

Présents : Nada Arida, André Bayrou, Paloma Blanchet-Hidalgo, Carlo Brio, Natalia Borsklai, Adrien Chassain, Gabriel Marie d’Avigneau,Nathalie Dauvois, Lise Forment,Baldine Saint Girons,  Alexis Hubert,Jozef Kwaterko, Jean-Nicolas Illouz, Justine Le Floc’h, Augustin Leroy, Eliza Lin, Michel Magnien, Sarah Nancy, Tomoaki Ogura,  Isabelle Pantin, Tiphaine Pocquet, Jean-Louis Repelski,Michelle Szkilnik, Lary Stolosh, Brice Tabeling, Koya Takenaka, Anne-Laure Thumerel, Benahia Tin Hinane, Cécile Vaidie, Marie-Claire Vallois, Alicia Viaud.

 

Plan de la séance:

0 :00 à 2 :03 : Hélène Merlin-Kajman accueille Jan Miernowski

1 :38 : Il s’agit d’un livre qui a tout de suite attiré notre attention, en raison de son oxymore : « la beauté de la haine ». Transitions a choisi, pour le premier thème de sa rubrique « Intensités », « La Beauté » : mais justement, c’était pour rompre avec ce que votre réflexion décrit comme l’héritage contemporain de cette beauté de la haine.

2 :04 à 50 :18 : EXPOSÉ de Jan Miernowski

- Au lendemain des attentats de janvier, me voici en train de parler de la violence et de la haine. Aucun opportunisme morbide de ma part. Mais il est clair que ces questionnements ont trait à notre situation contemporaine.

- Le titre, « la beauté de la haine », ne présente aucun sens valorisant. Il ne s’agit en rien d’une tentative de revalorisation morale d’une passion absolument abjecte.

- 4 :58 : Mon livre envisage la haine extrême comme une catégorie esthétique, une valeur artistique, comme le moteur de la création littéraire [un moteur ?] ; car la haine est autotélique.

- 7 : 21 : Le point de départ de ma réflexion, c’est l’attentat d’Okhlaoma City en 1995, commis par un activiste d’extrême droite. Des journalistes ont essayé de comprendre et ont enquêté auprès de ses voisins, ses proches, dans un village. Ils ont rencontré des gens très sympathiques mais qui s’entraînaient à la mitraillette dans des techniques de guérilla au cas où le gouvernement fédéral, en accord avec l’ONU, attaquerait leur village. Un journaliste très célèbre pour sa liberté dans des débats politiques avec les plus grands n’a pas réussi à communiquer avec eux, à cxomprendre et à comprendre ce qui se passait là.

- 11 :14 : Alors je me suis tourné vers Aristote, sa différence entre haine et colère : alors que la colère est personnelle et momentanée (on peut l’apaiser), la haine est incurable, en quelque sorte impersonnelle et éternelle. C’est une sorte de trou noir.

- 13 :21 : Comment se fait-il que la parole puisse être impuissante à percer le mur de la haine ? Pour répondre à cette question, je me suis tournée vers la littérature, et j’ai croisé la haine avec des notions comme celle du tragique, du sublime, etc.

- 14 :22 : Je prendrai deux exemples, celui des pamphlets parus pendant les guerres de religion, et celui de Céline (ce qui constitue un trajet parallèle à celui d’Hélène Merlin-Kajman dans son livre La langue est-elle fasciste ? mais elle le mène à partir de la langue, moi à partir de la littérau-ture : nous nous rencontrons sur la rhétorique).

- 15 :33 : ces pamphlets sont tellement haineux qu’ils semblent a-rhétoriques.

- 16 :20 : Ils nient ce qui constitue les prémisses de l’éloquence humaniste : la liberté des hommes, la bonne volonté de ceux qui écoutent.

- 18 :03 : la haine est conçue comme naturelle, comme une nécessité naturelle du même ordre que les antipathies qui séparent le loup et l’agneau ou l’éléphant et la chèvre : donc, l’idée de ce pamphlet est qu’on ne peut pas argumenter contre, car on n’argumente pas contre les nécessités.

- 19 :27 : On entre dans une sorte de monstruosité littéraire du point de vue de l’humanisme renaissant puisque cette éloquence repose sur des prémisses contraires aux prémisses de l’humanisme. Pamphlet de Louis Dorléans où on trouve une allusion à Frère Jean des Entommeures.

- 22 :00 : Rabelais, dans le passage de Gargantua consacré à la guerre avec Picrochole, pose une question très analogue à celle-ci : où Dieu était-il à Auschwitz ? Le narrateur ne répond pas, il fait entrer Frère Jean des Entommeures dans le combat, qui est une sorte de synthèse des positions, une sorte de superman héroïque.

- 25 :08 : Rabelais sollicite le rire qui n’est pas rire de dérision mais appel à la convivialité

- 25 :54 : Chez Louis d’Orléans, rien de tout ça : aucun jeu esthétique, aucun dialogisme. On est face à un monologue de l’anathème, un rituel de la haine.

- 28 :00 : On trouve cette même danse de la haine chez Céline, celui des pamphlets, de gros livres qui se sont très bien vendus. Je sais que je m’aventure sur un terrain sensible et miné.

- 32 :20 : Dans le prologue de Bagatelles pour un massacre, le narrateur s’adresse à son ami Gutman et évoque avec émerveillement la beauté attirante des danseuses. Gutman lui suggère d’écrire un ballet de façon à pouvoir les approcher. Son ballet est refusé : c’est alors à ses yeux une évidence : c’est le complot juif qui est responsable. Se déploie alors un véritable tsunami de la haine antisémite.

- 35 :40 : Céline évoque un « poème rentré ». La formule vient de Généalogie de la morale de Nietzsche, un passage où il est question des juifs et du sublime. Céline prend ce superlatif comme un programme esthétique. Incapable d’accéder à la beauté, il se tourne vers le sublime – le sublime de l’abjection.

- 38 :40 [long développement sur Burke et Kant]

- 40 :42 : Mais chez Céline, aucune solution positive. C’est un sublime de pure dégringolade vers le bas.

- 42 :26 : [Comme H. Merlin-Kajman, ou Bruno Chaouat dans son article « Céline, fossoyeur des lettres ? » paru sur le site de Transitions, rapprochement avec un passage de L’Espèce humaine où Antelme évoque des flots d’injure proférés comme un « dégueulis d’ivrogne »]

- 44 : 16 : Céline va trifouiller et tracer des arabesques dans cette abjection, y faire des dentelles. Il fait un art de cette haine.

- 45 :20 : Est-ce que ça veut dire que la haine parvient à subjuguer l’art à ses propres fins ? Pas au sens de la propagande, qui œuvre pour d’autres fins ; mais au sens d’une esthétique haineuse.

- 46 : 25 : Dans l’épilogue de mon livre, j’évoque une série de romans qui sont dans le sillage de l’écriture de Céline ; mais qui, à force de pastiche, de parodie, désamorcent cette haine par les voies de l’art. Ex : Amélie Nothomb ; Lydie Salvayre.

DISCUSSION

50 :30 à 56 :17 Hélène Merlin-Kajman : [fait un enchaînement jusqu'à 53 : 05]. Je vous remercie d’avoir cité à plusieurs reprises La langue est-elle fasciste ? où toutefois je ne me suis pas occupée de la haine, parce que je ne me suis pas exactement occupée de passions. Ce que j’ai envie de contester et ce qui m’a un peu étonnée, c’est comment est-ce que vous pouvez parler de la haine comme autotélique ? Parce que, dans votre livre, d’emblée vous établissez entre la littérature et la haine un rapport évident, par le biais de cet autotélisme. Dans votre livre vous considérez la haine comme une catégorie esthétique, « comme LE moteur ou UN moteur d’un certain type de création littéraire. » Ce qui m’interroge ce n’est pas ce rapport entre autotélicité et littérature, qui fait déjà problème, mais le caractère d’autotélicité que vous prêtez à la haine : pour moi l’autotélicité c’est ce qui se referme sur soi-même et n’a pas d’objet dans le réel, ne vise pas un objet dans le réel, et c’est ce que vous voulez dire quand vous dites que l’on est aux limites de la rhétorique. Mais en même temps, dans le cas des pamphlets, les mots se transforment beaucoup plus vite en passage à l’acte. La haine que vous décrivez a un objet ; l’invective fait partie de la rhétorique ; donc on ne peut pas dire que la haine n’en fait pas partie, sauf peut-être dans un certain rêve humaniste, mais pas forcément de toute la tradition rhétorique. Ce serait ma première question.

1 :02 :16 à 1 :07 :14 Baldine Saint Girons : Je me pose des questions en tant que philosophe. La première : est-ce que la distinction drastique qu’Aristote établit entre la colère et la haine tient vraiment ? Dans le sublime, une chose bizarre, c’est le silence d’Ajax le coléreux, cité par le Pseudo-Longin : on n’a pas beaucoup interrogé cet exemple. Et puis il y a le début de l’Iliade qui chante la colère aux déesses. Donc la colère est à l’aube de l’humanité et ce qui entraîne même le mouvement de la littérature : donc je me suis posé la question : est-ce que cette haine dont vous cherchez la pureté n’est pas quelque chose d’assez mythique ? En philosophie, on se heurte souvent à cet idéal de la pureté : est-ce que l’art est plus du côté du pur ou de l’impur ? Quand on veut affronter cette question, on apporte souvent des exemples ridicules, on n’en sort pas. Et Nietzsche aussi en est embêté, il ne veut pas revenir au sublime kantien, sublime dont vous rapportez la définition, qui suppose une défiance de l’imagination qui tombe dans un abîme et est soulevée par la raison. Mais chez Nietzsche, il y a une volonté totale de se distinguer du sublime kantien : il n’emploie plus le même terme utilisé par Kant (erhaben), mais Sublime qui est relié à la tradition de la sublimation, ce qui est très important puisqu'il lui fait dire que le sublime est la domestication de la terreur : une définition antique par-delà Kant - et c’est important de savoir si l’on va vers une purification ou vers un changement de substance (Sublimierung, un terme que Freud utilise). Finalement, le grand absent de votre beau livre c’est la psychanalyse. Ce qui m’a frappée, c’est l’absence totale de Freud, jamais cité, qui pourtant a écrit des textes splendides sur la haine ; et celle de Lacan.

1 :11 :16 à 1 :12 :24 Baldine Saint Girons : Je pense que chez Freud, il n’y a pas cette idée déterministe qui expliquerait tout de la haine, il laisse libre le jugement d’être compliqué. Je pense que Freud a mis en évidence des mécanismes qui peuvent bien aider à comprendre la haine. Vous avez bien montré qu’il s’agit d’une misologie : pourquoi est-ce que la philologie et la misologie font si bon ménage ? ça reste un problème quand même.

1 :14 :48 à 1 : 18 :05 Brice Tabeling : J’ai deux questions. La première : Je voudrais revenir sur l’autotélisme de la haine. Pour répondre à Hélène, vous avez parlé des pamphlets, mais ceux-ci ont des effets concrets sur le réel, ils ont entraîné des massacres et créé un état d’esprit, parfois sans être de la grande rhétorique. Et pourquoi présentez-vous le pamphlet de Louis Dorléans comme un exemple littéraire ? Est-ce que pour vous il s’agit de littérature ? Et, deuxième question : quand vous avez posé deux prémisses à propos de la rhétorique - la liberté de l’homme et la bonne volonté de ceux qui écoutent – là, j’ai un peu de mal à comprendre l’insistance sur le public. Il semble que vous opposiez haine et logos : la haine serait du côté de l’inexprimable, tandis que le logos serait du côté du jugement. Mais la rhétorique ne se situe pas dans cette opposition, car elle accueille et la raison et la partie passionnelle.

1 :26 :24 à 1 :31 :00 H. Merlin-Kajman : je voudrais raisonner autour de la question de la parodie. Je suis persuadée qu’on accorde à la parodie, presque par réflexe professionnel, un bénéfice, une innocence, la capacité de faire tout passer au deuxième degré, de sauver par exemple la haine : vous dites qu’Amélie Nothomb parodie Céline, et je ne suis pas du tout certaine que la parodie de Céline ne capte pas toute la force de ce qu’il écrivait sous le signe de la haine. Le lien avec mon autre question est évident si l’on pense à la satire : pourquoi avez-vous écarté la misogynie, ce qui à mes yeux n’arrête pas de faire partie de ce qui habite les esthétiques de la tradition satirique ? Par exemple, Bakhtine aussi se tire rapidement de la question de la misogynie chez Rabelais. Or, je suis convaincue qu’il y a un rapport très fort entre certains rires et la misogynie.

1 :35 : 50 à 1 :37 :08 [unknown] Dans le dernier chapitre, on voit que la haine peut être mise à distance par la parodie, le rire, et je remarque que cela arrive surtout si l’on sort du corpus français pour le corpus francophone : Amélie Nothomb vient de la Wallonie et deux autres écrivains que vous citez sont l’un québécois et l’autre vient de Guadeloupe. Est-ce qu’il y a un rapport donc entre leur origine et le choix parodique ? un rapport entre périphérie-centre ?

1 :38 :20 à 1 :41 :48 H. Merlin-Kajman : Je ne suis pas certaine que tout effet de distance soit émancipateur. Je pense qu’il y a des effets de distance qui sont des effets de déliaison. Distance (ironie, parodie) n’implique pas automatiquement, selon moi, l’esprit critique.

1 : 42 :15 à 1 :43 :05 H. Merlin-Kajman : Selon moi les parodies peuvent abriter des effets destructeurs.

Auteurs cités: Aristote, Bakhtine, E. Burke, L. F. Céline, Freud, Kant, H. Merlin-Kajman, A. Nothomb, Nietzsche, Rabelais, L. Salvayre.

 

 

Exemplier de J. Miernowski

1]

[…] la colère [ὀργή] résulte d’offenses intéressant notre personne ; mais la haine peut être ressentie même sans aucune raison personnelle ; si nous supposons qu’une personne a tel ou tel caractère, c’est assez pour que nous la haïssions. De plus, la colère s’adresse toujours à un individu, par exemple Callias ou Socrate ; mais la haine [μῖσος] peut être ressentie contre les classes ; car tout homme hait le voleur et le sycophante. Le temps peut guérir la colère ; la haine est incurable. […] La colère s’accompagne de peine ; la haine, point ; car celui qui est en colère ressent de la peine ; celui qui hait n’en ressent aucune. En maintes circonstances, l’homme en colère peut éprouver de la pitié ; l’autre jamais ; le premier souhaite que celui qui excite sa colère éprouve en retour de la peine ; l’autre, qu’il cesse d’exister…

Aristote, Rhétorique, II, iv, trad. Médéric Dufour, 1382a

2]

Il n’y a aucun amour ny fidelité, dit ce grand docteur de l’Eglise sainct Hierosme, entre ceux qui sont differans en soy, et ne se put trouver haine plus forte et plus vehemente que celle qui naist de la diversité de Religion. Elle fait oublier tout les respects que les amis se portent l’un a l’autre, elle dissout toute bienveillance [...]

Avis à l’irresolu de Limoges..., 1589, p. 37

3]

[...] cependant qu’ils sont à forcer notre pays, où ils saccagent, ruinent et dépeuplent tout, vous nous prêchez la patience de Job, et nous tenez les mains, nous exhortant de nous aider de nos larmes et de nos prières seulement. Mais frère Jean des Entommeures vous dira qu’il n’est saison de chanter, et qu’il faut prendre le bâton de la croix pour défendre le clos de la vigne [...]

Louis Dorléans, Replique pour le catholique anglois, contre le catholique associé des huguenots, 1587, p. 9v

4]

Puis, ie commence le premier à bouche ouverte de mesdire le Roy, de detester ses actions [...] Accompagnant le tout de la plus triste et funeste contenance que ie puis feindre, Et y entrelassant quelques iurements pour mieux contrefaire le passionné. Apres celà, ie suis reputé le plus homme de bien du monde, Bon Catholique, Bien affectionné, Bien zelé. Et ainsi tous les soirs i’invente à par moy quelque nouvelle invective pour l’exposer le lendemain en la meilleure compagnie que ie me trouve.

                        Coppie de la responce faite par un polytique, s.l., s.i., 1589, p. 4

5]

Dans une jambe de danseuse le monde, ses ondes, tous ses rythmes, ses folies, ses vœux sont inscrits ! [...] Périr pour la danseuse !... Je suis vieux, je vais crever bientôt... Je veux m’écrouler, m’effondrer, me dissiper, me vaporiser, tendre nuage... en arabesques... dans le néant... dans les fontaines du mirage... je veux périr pour la plus belle (...) Fais en sorte Gutman que je me rapproche des danseuses !... Je veux bien calancher, tu sais, comme tout le monde... mais pas dans un vase de nuit... par une onde... par une belle onde... la plus dansante... la plus émue...

Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, [1937]  1941, p. 12

6]

Tu me fais rentrer ma jouissance... Tu m’arraches les couilles... Tu vas voir ce que c’est qu’un poème rentré!... 

                        Ibid.p. 34

7]

[...] les Juifs, ce peuple sacerdotal qui a fini par ne pouvoir trouver satisfaction contre ses ennemis et ses dominateurs que par une radicale transmutation de toutes les valeurs, c’est-à-dire par un acte de vindicte essentiellement spirituel. Seul un peuple de prêtres pouvait agir ainsi, ce peuple qui vengeait d’une façon sacerdotale sa haine rentrée [So allein war es eben einem priesterlichen Volke gemäss, dem Volke der zurückgetreteten priesterlichen Rachsucht].

F. Nietzsche, La généalogie de la morale, § 7-8, trad. Henri Albert, 3e éd., Paris, 1900

8]

[...] sur le tronc de cet arbre de la vengeance et de la haine, de la haine judaïque - la plus profonde et la plus sublime que le monde ait jamais connue, de la haine créatrice de l’idéal, de la haine qui transmue les valeurs [des tiefsten und sublimsten, nämlich Ideale schaffenden, Werthe umschaffenden Hasses], une haine qui n’eut jamais sa pareille sur la terre - de cette haine sortit quelque chose de non moins incomparable, un amour nouveau, la plus profonde et la plus sublime de toutes les formes de l’amour.

 Ibid.