Juste un poème n° 23

 

 



 

Vestiges

 

 

Linda Farès

29/05/2017 


 

 

Sur le trottoir étroit de la rue Ravel

Vers la fin. Soudain, l'étreint

la sensation de morsure sourde du secret

Cruelle

la lumière s'éteint

 

Putain !

 

Qu'importe

Elle est fille de l'insomnie

Née du frôlement affolé de folles fêlures

Elle paraît si frêle face aux griffes du passé mais

le vertige

Elle connaît

Celui qui te déroule un tapis parfumé

puis te plante une épine sous le pied

Là où ça gratte, là où ça saigne

tellement que tu pourrais en crever

 

Comme à chaque fois que la nuit menace d'avaler

les matins

Elle ressent ce besoin irrésistible de poser sa nuque

et son chagrin

sur l'épaule de celui dont elle a tout oublié

sauf le nom et l'intensité

 

Elle a l'impression que mille ans ont passé

depuis ce soir où elle a ramassé sa longue chevelure

qu'il avait l'habitude de bercer en murmurant "Reste encore ! S'il te plaît"

"Il ne me plaît plus. Je m'en vais"

L'élan de son corps l'avait aussitôt trahie

Il avait contredit

tous les mots définitifs qu'elle avait prononcés

 

Elle était partie

après quinze jours passés entre deux portes

étonnées

 

Ce soir, elle aimerait peut-être le croiser au détour d'un sentier de la forêt

ou devant le grand portail au sortir de la tour

Sentir ses mains sur ses seins sous son suaire de velours

redonner contours à son corps déplacé

 

Il suffit de faire une centaine de pas pour rejoindre la forêt

tu sais

Quelle idée !

 

Soupirs de soulagement

ou de plaisir

Chut

Le vent se lève

Effleure lentement leurs cils alors que les arbres dociles s'effeuillent sous son aile

monotone

 

Le désir frissonne

Longe la grotte des sages et

sans laisser une trace de son passage

s’éclipse

 

Et là, la brûlure,

aux longues jambes accueillantes

 

Quand tu penses être un peu à l'abri

Eros fait un bond en avant

Narguant la mort endormie

Pas pour longtemps