Contexte n° 1

 

Préambule

Cet article, qui inaugure ce nouveau thème d’Intensités, Contexte, a ceci de réjouissant qu’à la fois il ouvre une voie de réflexion possible, celle de la « contextualisation » et que, par ailleurs, les très nombreuses références qu’il mobilise sont de nature à esquisser un panorama des enjeux de la notion dans une communauté de sciences humaines, de la critique littéraire à la sociologie, en passant par la philosophie. Il a, au-delà de la valeur intrinsèque de son propos, ce talent qui consiste à faire désirer : désirer lire Nussbaum, Felski, Rorty, Laugier, Chartier, les plus anciens Fish ou Bourdieu et – évidemment – Jérôme Meizoz lui-même.

En partant de la « clôture du texte » qu’il voit développée chez Kristeva, Riffaterre ou Barthes, Meizoz montre que poser la question de la littérarité du texte, de la littératurisation pourrions-nous dire aussi en mettant l’accent sur l’aspect sociologique de l’estampillage « littéraire » en complément d’une seule littérarisation, c’est également et d’un même mouvement interroger son rapport au monde. Ce n’est pas seulement la mimesis qui est en jeu, mais la propre constitution d’un objet textuel à la fois comme ce qui impacte et ce qui est impacté par le contexte de création ou de lecture.

Meizoz évidemment a pris acte non de la seule clôture du texte (qu'il dépasse dès les premières lignes), mais également de l’importance centrale que prend la lecture dans ces processus – avec Barthes, avec Eco, notamment – et de la variabilité extrême des contextes. C’est dans cette optique qu’il écrit, dans une formule récapitulative, « […] une fois que l’on a renoncé au terme problématique de "contexte", on parlera plutôt de la pluralité des procédures de contextualisation ». C’est à ces « procédures » que Meizoz s’intéresse alors, parmi lesquelles les contextualisations temporelles, spatiales, biographiques ou encore discursives, ce qui l’amène à conclure qu’« une telle conversion du regard conduit à interroger non plus seulement un « texte », mais l’« activité » littéraire dans sa globalité », en vue de dépasser, ainsi qu’il l’écrivait dans un article antérieur, « le grand partage entre la logique interne des textes et celle, externe, des institutions littéraires ».

Voilà qui nous ramène au thème d’un séminaire qu’Hélène Merlin-Kajman dirigeait il y a quelques années et qui fait quelque peu figure d’ancêtre de Transitions, séminaire qui était consacré, précisément, aux usages de la littérature…

M. E.

 

 




Que font aux textes les contextes (et vice versa) ?
 

 

Jérôme Meizoz

09/01/2016

 

Après la « clôture du texte »

Depuis une trentaine d’années, des critiques de plus en plus nombreuses ont été formulées à l’égard du décret de « clôture du texte » (Kristeva, Riffaterre, Barthes), promu à la fin des années 1960 dans le sillage de la linguistique structurale. Il s’agissait d’isoler un objet méthodologique, le « texte », et de décrire son fonctionnement interne1. Selon Paul Ricoeur, la « clôture » n’est qu’un décret momentané de l’analyse, « par ce projet particulier, le lecteur décide de se tenir dans le lieu du texte et dans la clôture de ce lieu »2. Elle ouvre ensuite sur l’appropriation du texte par la lecture et la mise en relation avec le monde, geste spécifique de l’herméneutique :

Ce que nous avons appelé l'occultation du monde ambiant par le quasi-monde des textes engendre deux possibilités. Nous pouvons, en tant que lecteur, rester dans le suspens du texte, le traiter comme texte sans monde et sans auteur ; alors nous l'expliquons par ses rapports internes, par sa structure. Ou bien nous pouvons lever le suspens du texte, achever le texte en paroles, le restituant à la communication vivante ; alors nous l'interprétons. Ces deux possibilités appartiennent toutes les deux à la lecture et la lecture est la dialectique de ces deux attitudes. [idem]

La division du travail scientifique entre poétique et histoire, que Barthes appelait de ses vœux dès « Histoire et littérature » (1960), produit ses effets jusqu’à aujourd’hui. Dans Le Démon de la théorie (1998), AntoineCompagnon présente le fait littéraire comme résultat d’un « désancrage » (Viala & Molinié 1993) posant que « les textes littéraires sont […] ceux qu’une société utilise sans les rapporter directement à leur contexte d’origine » (1998 : 45). Dans cette perspective, rétablir un contexte premier équivaudrait à « restitue[r] le texte à la non-littérature en renversant le processus qui en a fait un texte littéraire [...] » (idem). De cette opération qui constitue un texte comme « littéraire » 3, Claude Duchet relevait les effets problématiques :

La poésie chantée du Moyen Âge ou du XVIe siècle : une page ; le théâtre du XVIIe siècle classique : un texte découpable à merci. Evacué du même mouvement tout ce qui concerne le fonctionnement des énoncés au sein de pratiques discursives hétérogènes : l’Iliade est traitée comme si elle appartenait à la même formation discursive que Le Décaméron, lui-même associé, sans autre forme de procès, au roman naturaliste ou au conte kabyle. Dans l’espace abstrait défini par la notion de texte littéraire, tout est “du texte”, et le manuel scolaire, qui présente sur ses rayons les pages immortelles de tous les temps, ne fait qu’accomplir une opération de muséification dont la critique entière porte la responsabilité.4

La constitution d’un corpus de textes désignés comme « littéraires » est une opération savante qui groupe ceux-ci en un « espace abstrait », indépendant de leurs usages et des circonstances de ceux-ci. Dans une telle perspective, le « texte » n’est qu’une unité de langage objectivée et isolée pour les besoins de l’analyse, indépendamment de la situation et de l’interlocution qui, dans la pratique concrète, le configurent en une activité complexe. Jean-Marie Schaeffer a dit les limites d’une telle conception du texte :

[…] une œuvre n’est jamais uniquement un texte, c’est-à-dire une chaine syntaxique et sémantique, mais elle est aussi, et en premier lieu, l’accomplissement d’un acte de communication interhumaine, un message émis par une personne données dans des circonstances et avec un but spécifiques, reçu par une autre personne dans des circonstances et avec un but non moins spécifiques.5

Dépasser l’opposition texte/contexte

Des auteurs comme Pierre Bourdieu (1992), Roger Chartier (1998), Dominique Maingueneau (1993, 2004, 2006), dans trois disciplines très différentes, ont ainsi reconsidéré le décret de la clôture textuelle, tout en critiquant sévèrement toute tentative de « réduction au contexte » (Bourdieu 1994 : 65-67). Ainsi Bourdieu rejette-t-il les lectures marxistes postulant une « fonction sociale de l’œuvre » et selon lesquelles les artistes expriment la « vision du monde d’un groupe social » (Lukacs, Goldmann, Borkenau, Antal, Adorno) en ignorant « la logique interne des objets culturels, leur structure en tant que langages » (idem). Tous trois renoncent à (ou évitent) la notion usagée et imprécise de « contexte », jugée caduque à force d’usages généraux et approximatifs, notamment par les cultural studies. Larry Grossberg déclarait ainsi non sans ironie que « pour les cultural studies, le contexte est tout et tout est contextuel »6.

Ce renoncement progressif au terme de « contexte » (du latin contextus : assemblé, réuni), est patent dans Le Contexte de l’œuvre littéraire (1993) de Dominique Maingueneau. Cet ouvrage n’est plus inscrit au catalogue de l’éditeur, entièrement refondu et réécrit sous un titre plus ambitieux, Le Discours littéraire (2004). La notion de « contexte » s’y voit rejetée au profit d’une nouvelle conceptualisation par les scénographies discursives.

Plusieurs travaux issus de la tradition pragmatiste américaine, comme ceux de Stanley Fish (1980) ou de Rita Felski (2008) déplacent également la question massive du « contexte » vers la diversité des modalités de « contextualisation », comme dans le récent article de Felski, « “Context stinks !” » (2011). Pour ce faire, Fish et Felski prennent appui sur la pensée anti-essentialiste du philosophe Richard Rorty pour qui, je cite, « il n’y a jamais que des contextes » :

Le philosophe essentialiste, celui qui entend bien s’accrocher à l’idée de “propriété intrinsèque”, indépendante de tout contexte, déclare pour sa part que la recherche contextualiste doit être quelque chose de précontextuel. A quoi l’[ironiste] anti-essentialiste réplique en faisant valoir qu’aussi loin que l’on aille, il n’y a jamais que des contextes. Car pour lui,notre recherche ne peut porter que sur des choses associées à une description ; la description d’une chose consiste à établir une relation entre elle et d’autres choses, et la possibilité de “saisir la chose en elle-même” ne précède pas la contextualisation.7

Nouvelles recherches sur les contextes

Parmi des travaux qui tentent une refondation des approches contextuelles, citons quelques étapes marquantes de la réflexion. En 2001, Les Contextes de la littérature dirigé par Jérôme David pour la revue Etudes de lettres (numéro 2), proposait de réexaminer les rapports entre texte et de contexte, à partir de questions du type : Le contexte peut-il être assimilé à tout ce qui est hors texte ? Plutôt que de citer à comparaître un massif « contexte », comment décrire la pluralité des contextes ? Enfin, que devient un texte lorsqu’on fait varier ses contextes ? (p. 6).

En 2006 de jeunes chercheurs de l’Université de Liège créent une revue en ligne consacrée à ces questions, COnTEXTES, désormais riche d’une quinzaine de numéros, après la livraison d’ouverture intitulée Discours en contexte (no. 1, 2006, http ://contextes.revues.org/229). Enfin, outre le présent numéro de Transitions, la revue transdisciplinaire Mosaïques prépare un dossier (no. 4, 2016) consacré au « retour au contexte » dans les sciences humaines.

Pluralité des modes de contextualisation

Faire varier les contextes des objets constitue l’un des gestes fondateurs des sciences humaines, comme l’a montré Bernard Lahire dans un important article (1996). Dans ce sillage, plusieurs recherches actuelles s’intéressent aux opérations de contextualisation. Pour être pleinement heuristique, un double geste est nécessaire : il s’agit de sélectionner un mode de contextualisation puis d’établir un lien (causal) entre cette contextualisation et la configuration textuelle qu’elle induit. Autrement dit, si je récapitule :une fois que l’on a renoncé au terme problématique de « contexte », on parlera plutôt de la pluralité des procédures de contextualisation. Selon le type de contextualisation opéré, les échelles d’observation et donc la taille des objets configurés varie (Lyon-Caen & Ribard 2010 ; David 2001). Chaque contextualisation mobilise une échelle d’observation spécifique et configure donc un « texte » particulier. Qui n’est dès lors pas donné, essentialisé, mais construit par le geste heuristique. Une telle contextualisation implique alors une réflexivité consciente de son impact méthodologique et de ses limites.

Plus généralement :interpréter un texte en le rapportant à autre chose qu’à lui-même est un geste décisif. Il suppose de dépasser un strict point de vue sémiologique pour adopter un regard de type pragmatiste. Autrement dit, envisager le fait littéraire non sous la forme de « textes » désancrés, mais comme un ensemble d’activités concrètes. On peut dès lors formuler d’autres questions que celles, essentialistes, qui portaient sur la définition de la littérature : quels usages les publics font des textes ? que font les textes à leurs publics ? (Coste & Mondémé 2008 ; Coste 2011 ; Rohrbach 2015).

Enfin,contextualiser ne condamne pas à faire l’impasse sur la textualité. La textualité demeure une donnée importante, mais non exclusive, des approches de Chartier, Maingueneau ou Bourdieu. Certaines méthodes, comme le distant reading pratiqué par Franco Moretti (2001) en vue d’une géopolitique des genres, assument par décret leur non prise en compte de la textualité. Ceci non par ignorance d’une telle échelle d’analyse, mais par choix d’une macro-échelle d’observation.

Divers modes de contextualisation et leurs enjeux.

Diverses théories littéraires opèrent par « mise en contexte »8 ou contextualisation. Parmi celles-ci, j’esquisse quelques ensembles qui se recoupent en partie. En voici une liste ouverte qui ne se prétend pas une grammaire des contextualisations :

1. Les contextualisations par le temps, ou historiques.

La plus ordinaire dans les disciplines de lettres, dans la tradition de l’“histoire littéraire” : de Gustave Lanson à Daniel Mornet puis Lucien Febvre. Plus récemment : R. Darnton (1985) sur la bohème prérévolutionnaire ; R. Chartier (1996, 2014) sur Molière ou Shakespeare ; Ch. Jouhaud (2005) sur les mazarinades durant la Fronde. Ces théories partagent une conception matérialiste du contexte : une œuvre n’est pas un “œuf d’ange” (Kafka), tombée du ciel des idées (version idéaliste), mais à la fois une activité et un objet de la culture matérielle, pris dans et configuré par la temporalité historique. Ainsi Roger Chartier (1994) étudie-t-il le Georges Dandin de Molière à partir des versions existantes auxquelles il ajoutela mise en scène de la pièce, avec sa scénographie spécifique et les ballets d’intermède. Enfin, l’historien tient compte des divergences d’un double public, à réception, celui des fêtes de Cour à Versailles, et celui de la Ville.

2. Les contextualisations par l’espace, ou géographiques.

Elles décrivent l’impact de données géopolitiques sur la littérature (Casanova 1999 et 2015, Moretti 2001, David 2012). Moretti établit des cartes de la diffusion du roman dans l’Europe moderne et fait voir le poids des centres et des grandes nations (GB, Esp, It, F), avec diffusion des modèles vers d’autres régions. Pascale Casanova, dans La République mondiale des lettres (1999) retrace la mise en place d’une « littérature mondiale » par la traduction. La circulation transnationale de certaines œuvres (Rushdie, Roth, Le Clézio, Coetzee, Houellebecq, etc.) est mise ne relation avec le poids des nations et des langues, et envisagée en terme de diffusion des formes littéraires. Ainsi le monde anglo-saxon traduit-il peu de « petites » littératures, tout en exportant beaucoup sa langue et ses formes.

3. Les contextualisations par l’attribution, ou biographiques.

Elles apportent le texte à un auteur comme fonction, statut, rôle ou psyché. Citons les théories implicites ou explicites de la relation biographique, de Sainte-Beuve à Pierre Assouline. Les approches sociologiques des « trajectoires » individuelles et collectives qu’elles soient fondées sur la prosopographie de groupes d’écrivains (sociologie professionnelle : Viala 1985 ; Sapiro 1999) ou sur la socialisation primaire des créateurs, les dispositions acquises dès la prime éducation, langage, valeurs capitaux culturels, etc. (Lahire 2010). Enfin, les théories empruntant aux postulats de la psychologie comme la psychocritique (Mauron 1975) et la « psychanalyse existentielle » (Sartre 1973).

4. Les contextualisations par la réception, ou les publics.

Elles postulent que les textes sont configurés à réception par les diverses « appropriations » de leurs lecteurs. (Chartier 1998 ; Lyon-Caen 2006 ; Rohrbach 2013). Pour le dire avec l’humour d’Eric Chevillard :

L’écrivain se fend parfois d’un texte théorique qu’il préférera plus modestement appeler son art poétique. Et pourtant, j’écris un livre comme l’autre a inventé la roue. Sans doute ai-je en vue un objectif (déplacer telle ou telle montagne) ou une fonction précise que je souhaite lui voir tenir. Mais comment pourrais-je imaginer et anticiper tous les contextes dans lesquels ensuite ce livre va s’inscrire et interagir ? Ma roue restera une roue, mais où vont-ils aller avec ? Le sens n’est pas mon affaire. [Eric Chevillard, blog L’Autofictif, 7 octobre 2010, § II]

Il y a des « usages de la littérature » (Felski 2008) qui varient selon les types de lecteurs et leurs intérêts. Ainsi VéroniqueRohrbach (2015) étudie en ce sens 5000 lettres de lecteurs « ordinaires » à Georges Simenon.

C’est l’occasion de citer l’ouvrage marquant et controversé de Stanley Fish, Is there a text in this class ? (1980). Fish commence par référer à Austin et à la pragmatique pour établir la dimension contextuelle du langage en général :

L’évidence de la signification de l’énoncé n’est pas fonction de la valeur de ses mots dans un système linguistique indépendant du contexte ; au contraire, c’est parce que les mots sont entendus comme déjà inclus dans un contexte qu’ils ont une signification […] [Fish 2007 : 36]

Selon Fish, la forme (genre, style) d’un texte ne suffit à programmer sa lecture, sinon il n’y aurait pas de conflits d’interprétations. Les lecteurs divers en font des usages divers. Mais des institutions se proclamant garantes de l’interprétation (école, université, etc.) tentent d’en borner la multiplicité. La construction de signification renvoie contextuellement aux modes de lecture et au stock encyclopédique d’une « communauté interprétative », groupe de référence culturelle des lecteurs (lecteurs universitaires // lecteurs ordinaires). Le mode de lecture d’une « communauté interprétative » sélectionne et configure les traits pertinents dans un texte :

En d’autres termes, loin d’être provoqués par des caractéristiques formelles, les actes de reconnaissance sont leur source. Ce n’est pas la présence de qualités poétiques qui impose un certain type d’attention mais c’est le fait de prêter un certain type d’attention qui conduit à l’émergence de qualités poétiques » [Fish 2007 : 60]

Umberto Eco lui répondra dans Les Limites de l’interprétation (trad. fr., 1992). Raymond Michel résume ainsi la radicalité de Fish :

La critique littéraire adhère, en général, à un réquisit communément admis : tout texte possède des caractéristiques objectives, inhérentes et essentielles, qui déterminent l’interprétation que l’on peut en faire. Stanley Fish rompt avec une telle conception qui présuppose la possibilité d’une adéquation entre nos discours et un réel préexistant autonome. Il opère un double renversement. D’une part, déniant toute autorité au texte et refusant l’existence d’un sens toujours déjà-là, il montre que les lecteurs n’interprètent pas les textes, mais qu’ils les fabriquent, les textes n’étant que ce qu’ils en font lorsqu’ils les lisent ; d’autre part, refusant toute dérive libertaire et idiosyncrasique qui hypostasierait le pouvoir d’un lecteur solipsiste, il reverse ce pouvoir de créer des textes aux communautés interprétatives auxquelles il est impossible d’échapper. Celles-ci, en fournissant un contexte d’interprétation, régulent les commentaires des lecteurs et leur donnent des cadres, nécessairement contraignants, d’intelligibilité. Une telle position anti-essentialiste, au-delà de son iconoclastie joyeuse, permet de repenser autrement la puissance ducontexte dans les processus d’interprétation et d’envisager, selon nous, comment peuvent se constituer et s’agencer de singulières communautés d’usage.9

5. Les contextualisations par les formats matériels, ou supports.

A partir des travaux de McKenzie (1986) sur la « bibliographie matérielle », R. Chartier a élaboré une véritable histoire matérielle de l’imprimé. Tous deux partagent un postulat matérialiste :

Il n’est pas de texte hors le support qui le donne à lire, pas de compréhension d’un écritqui ne dépende des formes dans lesquelles il atteint son lecteur.10

Celui-ci consiste à étudier les textes en fonction de leurs supports physiques, de l’inscription matérielle de la littérature (Chartier 1998, 2015 ; Mc Kenzie 1986 ; la « médiologie » de Debray 1991). Dans ses recherches sur l’impact du journalisme sur les pratiques des écrivains, Thérenty (2009) suggère trois terrains d’étude : l’énonciation éditoriale, également abordée par E. Soüchier dans « L’image du texte. Pour une théorie de l’énonciation éditoriale » (1998) ; la gestion, par l’écrivain, des contraintes éditoriales (pertinence et hiérarchie des genres pour l’éditeur ; mise en forme de textes ; logique de la collection, etc.) ; enfin, l’« imaginaire du support » mis en œuvre par les écrivains (Balzac incorpore très tôt l’imaginaire journalistique : séquençage et taille des chapitres dans le roman-feuilleton).

6. Les contextualisations par les institutions, ou les « champs » de pratiques.

La littérature est une configuration historique résultant d’un effet d’institution (Dubois 1978) : éditeur ; collection ; prix ; académies. Gustave Lanson (1904) disait : « l’œuvreest un acte individuel, mais un acte social de l’individu » 11.La théorie du « champ littéraire » (Bourdieu, Viala, Sapiro) comme macro-contexte surdéterminant toute la production textuelle. Elle met en relation les formes avec l’espace des possibles proposé par le champ littéraire. Il faut étudier chaque texte singulier dans la série des textes co-présents dans le champ, en tant que prises de positions dans l’espace des possibles. Autrement dit, il s’agit de situer l’exception dans la série :

La sociologie ou l’histoire sociale ne peut rien comprendre à l’œuvre d’art, et surtout pas ce qui en fait la singularité, lorsqu’elle prend pour objet un auteur et une œuvre à l’état isolé.12

Prenons l’exemple de Voyage au bout de la nuit de Céline (1932).A partir des problématiques du champ littéraire et des réponses co-présentes, Céline invente une formule originale de style narratif oralisé (Meizoz 2001). L’espace des possibles de 1932 est animé d’une problématique datée : celle de la place du peuple dans le roman ; et des dispositifs formels pour restituer les voix du peuple. Ainsi Céline emprunte-t-il des techniques aux romans en vogue depuis 1929, dans aux trois mouvements prolétariens (donner la parole aux autodidactes : Poulaille, Le Pain quotidien, 1931), populistes (scènes de la vie populaire urbaine : Dabit, Hôtel du Nord, 1929) et communistes (récits des correspondants ouvriers dans L’Humanité).L’écrivain radicalise ces techniques en adoptant un style narratif oralisé, qui radicalise les solutions de Zola (1877) et Jules Vallès (1881), en donnant à entendre l’énonciation populaire (avec son ethos associé) dans la bouche du narrateur lui-même. Le français standard se voit ainsi délogé des commandes narratives, il ne se cantonne plus aux dialogues comme c’était le cas chez Balzac. Cette révolution formelle a bien des conséquences sur le monde de valeurs du roman.

7. Les contextualisations par la langue, ou discursives.

Dans ce type d’approche, la littérature est considérée un « discours » au sens de Benveniste(Maingueneau 2004), à savoir un propos adressé (à qui ?), situé (quand, où ?) et marqué (marques linguistiques, niveaux, etc.). La perspective discursiviste envisage le texte sous l’angle d’une « performance », adressée et située. Catherine Kerbrat-Orecchioni note ainsi :

La plupart des linguistes admettent aujourd’hui l’importance du contexte, et reconnaissent que l’activité langagière est un phénomène social à double titre : elle est déterminée par le contexte social, et c’est en soi une pratique sociale.13

Et Dominique Maingueneau ajoute :

Une analyse du discours littéraire est contrainte d’introduire le tiers de l’Institution, de contester ces unités illusoirement compactes que sont le créateur ou la société : non pour affaiblir la part de la création au profit des déterminismes sociaux, mais pour rapporter l’œuvre aux territoires, aux rites, aux rôles qui la rendent possible et qu’elle rend possibles.14

Pour le linguiste, le contexte n’est donc à pas situer à l’extérieur du texte, mais dans ses conditions d’énonciations elles-mêmes, ce qui rend caduque la distinction texte/contexte.

Les textes prennent sens au sein des discours sociaux : c’est l’interdiscursivité de la littérature (Maingueneau 1993 et 2004 ; Amossy 2011 ; Angenot 1989). Un textegagne à être pensé comme une négociation avec l’ensemble du « discours social », à savoir la rumeur du monde, les flux discursifs (doxa, cliché, lieux communs, thèmes saillants) d’une époque. La littérature reconduit (œuvres endoxales) ou réexamine de manière seconde (œuvres critiques ou paradoxales : ironie, parodie, satire) le discours social d’une époque.

Enfin, la généricité d’un texte relève d’une contextualisation discursive (par rattachement dynamique à une classe de textes, un « genre » littéraire (tragédie, etc.) ou ordinaire (liste, fait divers, etc.)). La série générique exerce un effet de contextualisation sur l’œuvre singulière : ainsi Voyage au bout de la nuit hérite/travaille/déplace le répertoire historique des formes du roman en tant que genre.

8. Les contextualisations par configuration des dispositions, ou effet de « modelage de l’affectivité » (Elias).

Si les contextes font quelque chose aux textes, la réciproque aussi : les textes affectent les contextes. Selon Jauss (1978), l’expérience esthétique de la lecture (parmi d’autres fonctions) propose des normes sociales par exemplarité15. Elle exerce un « modelage de l’affectivité » (Norbert Elias) à proportion de la place qu’elle occupe dans l’éducation des individus. Selon ces théories, la littérature est « modélisatrice » de nos cadres cognitifs, imaginatifs, éthiques.(Bouveresse 2008 ; David 2010 ; Diamond 2010).

Considérons ainsi les formes et usages spécifiques de l’imagination en littérature (ou « épistémographies »), par lesquelles le texte regroupe des détails, met en intrigue et interprète des ensembles de données. Jérôme David (2006 et 2010) a montré que les sciences sociales et la littérature procèdent avec des outils et des procédés différents. Les premières enquêtes sociales de Frédéric Le Play, vers 1830, et les romans de Balzac ont tous deux comme point commun de décrire la société française. Balzac s’appuie sur les types et les physiognomonies, Le Play sur des enquêtes et des données comptables : le romancier ne prélève pas les mêmes données dans le réel, ni les mêmes détails.

Marta Nussbaum, Cora Diamond, Sandra Laugier examinent de leur côté les « ressources éthiques » convoquées dans les textes. Elles observent comment les communautés de lecteurs s’approprient les ressources éthiques exemplifiées dans les textes. Ainsi le roman « sensible » (Rousseau, Charrière) et le roman libertin proposent-ils des éthiques contradictoires. De nos jours, le « roman d’entreprise » met en scène des situations de débats éthiques (suicides chez France Télécom, chez Th. Beinstingel). Sandra Laugier aborde en philosophe le roman comme lieu du débat éthique :

Le roman nous apprend à regarder la vie ordinaire comme « la scène de l'aventure et de l'improvisation », initie aux modes d'expression adéquats, linguistiques ou autres : une formation sensible par l'exemplarité. Le roman forme alors notre capacité à (lire) l'expression morale. Cette capacité est conceptuelle et langagière – capacité à faire usage des mots pour décrire l'expérience du particulier. [Henry] James remarque à propos des romans de George Eliot que les émotions, l'intelligence tourmentée, la conscience de ses héros deviennent « notre propre aventure ». Une « aventure » humaine, personnelle [est] un nom que nous donnons, avec à propos, [à] toute situation qui a ajouté le goût tranchant de l'incertitude à un sens aiguisé de la vie. 16

Conclusions

Dans un important article consacré aux « formes de vie » travaillées par la littérature, Florent Coste (2011) pose « la question politique du pouvoir du texte sur le contexte » dite aussi de l’agentivité (agency) :

[…] loin de considérer les significations qui sont attachées [aux objets d’art] ou les critères de beauté qu’ils devraient épouser, [une théorie de l’art devrait] les envisager comme des agents issus d’initiatives sociales et visant un effet certain sur le monde et spécifique au contexte auquel ils sont attachés. L’un des bénéfices pour les études littéraires serait de ne jamais disqualifier la littérature dans la hiérarchie des sources historiques, sociologiques ou anthropologiques, au prétexte qu’elle imposerait un accès indirect ou un filtre interprétatif au réel (Kalifa, 2009, p. 93). Car ce serait précisément méconnaître, que tout texte – et l’art en général – est un objet digne d’attention, parce que fonctionnant comme un principe actif d’investissement et d’exploration du monde, qui au même titre que la science élaborent autant d’organes améliorant notre prise sur lui (Morizot, 2008). S’il importe de dépister les encodages, les dialogismes et les hybridations du contexte dans le texte, la contrepartie est de penser aussi l’objet social qu’est le texte littéraire comme doté d’un pouvoir ou d’un effet sur le contexte dans lequel il s’inscrit en tant que « système symbolique actif » (Hanna, 2002). [Coste 2011 : § 9]

En signalant la fonction modélisatrice de l’art, il invite à dépasser le dualisme texte/contexte :

Le problème qui nous occupe prend racine et se réduit le plus souvent à un dialogue de sourds entre deux enfermements : l’enfermement textualiste dans une autotélie de l’œuvre et l’enfermement sociologique dans des déterminations sociales assimilées à des contraintes qui étouffent la liberté créatrice (Lahire, 2010). Ce blocage, loin d’être une alternative crédible, introduit une discontinuité frontale et ruineuse entre texte et contexte, qu’on a tenté à de nombreuses reprises d’atténuer ou de tempérer. Les sens du « contexte » varient avec les types de continuité qu’on entend alors rétablir avec le texte : un historien de la lecture y voit les formes concrètes et matérielles du texte et les gestes routiniers impliqués par lui ; un sociologue de la littérature y verra plutôt un champ travaillé par des forces majoritaires et minoritaires, dominantes et dominées qui définissent un espace des possibles de la création ; la sociocritique, quant à elle, comprenant le contexte comme un ensemble plus ou moins vaste de données discursives doxiques, se donne pour mission d’explorer les textes dans leur capacité d’ingestion et de retraitement de ces dernières. Nous proposons, pour renouveler en partie la pensée des rapports entre texte et contexte, d’inverser ce rapport : le texte n’est pas circonscrit par le contexte, il redessine et refaçonne des contextes nouveaux. (Coste 2011 : § 32-33)

Coste refuse aussi bien la réduction textualiste (rapporter la signification des textes « au seul fonctionnement automatique et impersonnel du langage » (Chartier 1998)) que la réduction contextualiste (les textes ne seraient que des effets de leurs contextes). Pour sortir de l’alternative, il adopte un point de vue pragmatiste et cesser de considérer la littérature comme une essence, un corpus-thésaurus ou un monument. Mais bien comme une expérience (Dewey 1934), une activité, une performance, à l’instar de nombreuses recherches (Zumthor 1990 ; Shusterman 1992).

Selon nous, une telle conversion du regard conduit à interroger non plus seulement un « texte », mais l’« activité » littéraire dans sa globalité :

L’activité littéraire, dont le texte n’est que l’état inerte, est un dialogue ritualisé par des institutions de parole qui distribuent des rôles (auteur, lecteur, médiateurs) et codifient des genres ; on y observe moins de règles que des régularités, car les acteurs sociaux y exercent des improvisations capables d’en dérégler les routines. Cette poétique, résolument historique et sociale, invite à dépasser le grand partage entre la logique interne des textes et celle, externe, des institutions littéraires ; entre les formes et le champ de pratiques qui en régule les actualisations.

D’un même « texte », la diversité des institutions et des usages fait tout autre chose. Après extinction de leur conjoncture initiale, les formes persistent à signifier dans le temps, par les publics qui se les approprient selon leurs intérêts propres et souvent divergents. 17

Bibliographie

Amossy Ruth (dir.), Analyse du discours et sociocritique, numéro de Littérature, no 140, décembre 2005, Larousse.

Angenot Marc, 1889. Un état du discours social, Montréal, Le Préambule, 1989.

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Barthes Roland, « Histoire et littérature : à propos de Racine » (Annales, 1960), in Sur Racine, Seuil, 1963.

Bourdieu Pierre, « Mais qui a créé les créateurs ? », Questions de sociologie, Minuit, 1984.

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1 Optant à la fin des années 1960 pour une lecture close, plusieurs écrits de Barthes ou Kristeva se réfèrent à la linguistique structurale. Cf. Julia Kristeva, «Le texte clos», Langages, vol.3, no. 12, 1968, pp. 103-125. Le succès de la notion d’«intertextualité» introduit par Kristeva (à partir de Bakhtine) pour le public français, tient en bonne part au fait que, vers 1968-1970, elle autorise à élargir la notion de «texte» sans renoncer pour autant au décret de clôture. En outre, l’«intertextualité» redécrit de manière complexe ce que l’histoire littéraire avait nommé, assez vaguement, l’«influence». Cf. aussi Roland Barthes, «De l’œuvre au texte» (1971), in Le Bruissement de la langue, Seuil, 1984, pp. 69-77 : l'“œuvre” a l’étoffe du phénomène : c'est le livre qu'on tient dans la main ou que l’on conserve dans la bibliothèque; le “Texte” quant à lui est un “champ méthodologique” ramené au seul langage. Même propos dans «Théorie du texte», Encyclopedia universalis (1974).

2 Paul Ricoeur, «Qu’est-ce qu’un texte ? Expliquer et comprendre», in Bubner, Cramer & Wiehl (Hrsg.), Hermeneutik und Dialektik, Tübingen, Mohr, 1970, pp. 181-200, ici pp. 188-189. Ricoeur oppose ici la critique herméneutique à la critique formelle (structualiste). Il n’aborde pas ici la troisième grande tradition en jeu, celle de la critique historique.

3 Il ne s’agit pas une propriété de nature, mais d’usage. La lecture «close» désancre au préalable les textes pour les inclure à la «littérature». On voit bien le problème que pose dès lors l’ensemble qui porte ce nom.

4 Claude Duchet, Sociocritique, Paris, Nathan, 1979, p. 212.

5 Jean-Marie Schaeffer, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Seuil, «Poétique», 1989, p. 80.

6 Larry Grossberg (1997) cité par Rita Felski, «“Context stinks !”», art. cit., 2011, p. 573. Je traduis. Pour Bruno Latour, mobiliser «le» contexte ne sert à rien : «C’est juste une manière d’arrêter la discussion quand on est fatigué ou qu’on a la flemme de continuer.». cf. Changer la société, refaire la sociologie, La Découverte, 2006.

7 Richard Rorty, Objectivisme, relativisme et vérité, trad. fr., PUF, 1994, p. 115, cité par Raymond Michel, «“Il n’y a jamais que des contextes”. Les communautés interprétatives de Stanley Fish», Pratiques, no. 151-152, 2011, pp. 15-16.

8 Alain Viala, «Contexte» dans P. Aron, A. Viala, D. St Jacques, Le Dictionnaire du littéraire, PUF, 2002, p. 114. Voir aussi, du même, l’article «Contextualisation».

9 Raymond Michel, «“Il n’y a jamais que des contextes ”. Les communautés interprétatives de Stanley Fish», Pratiques, no. 151-152, 2011, pp. 49-72, en ligne : http://pratiques.revues.org/1777)

10 Roger Chartier, «Textes, imprimés, lectures», in Poulain Martine (dir.), Pour une sociologie de la lecture. Lectures et lecteurs dans la France contemporaine, Paris, Editions du Cercle de la librairie, 1988, p. 16.

11 Reprise dans G. Lanson (H. Peyre, éd.), Essais de méthode…, Paris, Hachette, 1965.

12 Pierre Bourdieu, «Mais qui a créé les créateurs ?», Questions de sociologie, Minuit, 1984, p. 212.

13 Catherine Kerbrat-Orecchioni, «Contexte» in Charaudeau P. & Maingueneau D. (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours, Seuil , 2002,p. 136.

14 Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire, Armand Colin, 2004, p. 77.

15 Jauss Hans-Robert, «Petite Apologie de l’expérience esthétique», in Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978, pp. 123-157.

16 Laugier Sandra, in Laugier S., Molinier P., Paperman P. (dir.), Qu’est-ce que le care ? Petite Bibliothèque Payot, 2009, pp. 179-180.

17 Jérôme Meizoz, «Ecrire c’est entrer en scène : la littérature en personne», in COnTEXTES, «Varia», février 2015, http://contextes.revues.org/6003, § 33-34.