Air du temps n°6

A propos de Norman Ajari, La dignité ou la mort, Paris, La Découverte, 2018. 

 

 

Préambule

A l'occasion du séminaire de Transitions sur le rapport entre minoritaire et le majoritaire, Benoît Autiquet, membre de Transitions, docteur en littérature française du XVIe siècle et auteur d'une thèse sur l'écriture de l'indignité dans les Lettres de Charles Pasquier, a proposé une communication sur le livre du philosophe Norman Ajari, La dignitié ou la mort, paru en 2018. Naviguant ente le XVIe siècle et le contemporain, sa communication trouble l'apparente homogénéité des définitions et représentations de la dignité, pour notre temps comme pour des temps plus lointains. Comme elle était quasiment rédigée, nous avons voulu la rendre disponible à la lecture, pour l'importance des questions qu'il soulève et parce qu'elle fait écho au premier "air du temps" paru, de François-Jacquet-Francillon.

 

 

 

 

 

A propos de Norman Ajari, La dignité ou la mort, Paris, La Découverte, 2018.

 

 

Benoît Autiquet

16/07/2022

 

 

Une dignité « cannibale » dans la culture occidentale ?

Pour commencer cette communication, je rappellerai très brièvement ce que j’ai déjà avancé dans ma « conversation critique » à propos d’un extrait du livre de Norman Ajari, La dignité ou la mort, auquel cette séance de séminaire est consacrée. Ce livre tourne autour d’une notion de philosophie éthique : la dignité. Ajari propose d’abord une généalogie critique, et plus particulièrement décoloniale, de la définition de la notion de « dignité » telle qu’elle s’est développée en Occident. Dans sa généalogie, il s’attarde essentiellement sur les définitions de Pic de la Mirandole et de Kant. Avec ces deux auteurs, souligne-t-il, la définition de la « dignité » s’écarte de celle que recevait la notion de dignitas en latin. La « dignitas » désignait un statut dans la société hiérarchique qu’est la société romaine. Comme exemples de dignitas, on peut citer celle de consul, de magistrat, ou même d’empereur. La dignité de l’homme, dans cette acception, c’est donc sa position dans la hiérarchie sociale romaine. Dans le français d’Ancien Régime, c’est ce qu’on appelait un « office », ou une « charge ». Au contraire, ce qu’amorce Pic et que parachève Kant, c’est une définition a priori de la dignité comme qualité de tout homme. Il n’y a pas d’être humain sans dignité, puisque la dignité est précisément ce qui fait de l’homme un homme. Mais la dignité n’est pas tout à fait le « propre de l’homme ». L’idée d’une « dignité de l’homme » ajoute un élément à l’idée du « propre de l’homme », et cet élément est hérité de la dignitas latine : par sa dignité, l’homme n’est pas seulement spécifique par rapport aux autres êtres de la création, mais il est supérieur à d’autres créatures, par exemple les animaux. Parler de « dignité de l’homme », c’est donc situer l’homme dans une Création considérée comme hiérarchie – le plus souvent en haut de cette hiérarchie. La « dignité », c’est à la fois ce qui est propre à l’homme, et ce qui le constitue dans une supériorité par rapport à d’autres créatures.

Dans la généalogie qu’en propose Ajari, la « dignité » devient l’instrument inavoué de la construction discursive de la supériorité de l’homme blanc. Il prouve cela pour l’essentiel en contextualisant historiquement les discours philosophiques qui traient de la dignité, et en montrant leur conjonction avec l’anéantissement des Amérindiens pour Pic, et avec les traites négrières pour Kant. Nous reviendrons sur la pertinence de ces démonstrations, du moins pour ce qui concerne la Renaissance. Après avoir montré que les colonisés et les noirs étaient largement exclus de ces définitions a priori de la dignité, Ajari souligne que, d’un point de vue noir ou afro-descendant, seule est valable une définition a posteriori de la dignité. Pour un noir en effet, la dignité ne vient pas avec la qualité d’être humain, elle se conquiert sur l’indigne qui est le lot commun de la condition noire. Pour étayer cette affirmation, il propose un parcours dans des textes souvent peu connus dans les études philosophiques, du moins en France : d’abord dans la théologie noire américaine, en s’appuyant tout particulièrement sur l’œuvre du théologien afro-américain James H. Cone, et ensuite dans la philosophie Ubuntu, qui est une philosophie africaine dont les grands noms sont Paulin Houtoundji, Fabien Eboussi Boulaga et un autre théologien, sud-africain celui-ci : Desmond Tutu. Je ne peux rien dire de plus sur tous ces textes et ces noms, que ce je connais à partir de ma lecture d’Ajari : je vous renvoie donc au livre pour en apprendre davantage. Mais il est très clair que c’est un apport important des livres d’Ajari, que de faire connaître certains textes en France : textes africains, textes afro-américains. Et cette entreprise est poursuivie dans son plus récent livre, Noirceur, qui porte sur une école de pensée américaine presque inconnue en France, l’afro-pessimisme, sur laquelle je reviendrai très brièvement à la fin de mon propos.

Dans ma conversation critique, je reviens sur un point que je connais mieux, et qui contribue pour moi à rendre discutable la démonstration de Norman Ajari : c’est le problème de la « dignité » à la Renaissance en Europe occidentale. Je fais remarquer qu’Ajari discute de cette question en prenant comme seul point de repère le texte de Pic de la Mirandole, De la dignité de l’homme, qui est un texte qui, me semble-t-il, aborde le problème de la dignité de l’homme de manière très particulière. Je dois ici mieux préciser mon domaine de spécialisation : j’ai tout particulièrement travaillé sur la prose d’idées de la fin du seizième siècle, celle d’Etienne Pasquier auquel j’ai consacré ma thèse, mais aussi, bien évidemment, celle de Montaigne, qui a constitué en quelque sorte ma porte d’entrée dans le seizième siècle. Or, cette porte d’entrée n’offre pas du tout le même point de vue sur la Renaissance que celui que donne le texte de Pic de la Mirandole, qui propose effectivement une sorte de divinisation de l’être humain, dont on peut juger qu’elle prend souvent le risque de manquer une grande partie de l’humanité. Il ne s’agit pas ici de se lancer dans un cours sur la culture de la Renaissance italienne, qui paraîtra bien scolaire ; mais on peut tout de même rappeler que Pic de la Mirandole est l’élève de Marsile Ficin, et qu’il est donc très influencé par la philosophie de son maître, le néo-platonisme. Or, ce néo-platonisme reprend aux textes de Platon une conception particulière du philosophe, puisque le philosophe est celui qui doit faire le lien entre un monde des Idées supra-terrestres et un monde terrestre qui n’est fait que d’apparences trompeuses. Dans le contexte chrétien de la pensée de Marsile Ficin, ce n’est plus la contemplation du monde des Idées qui compte, mais celle de la Divinité, et ce n’est plus le philosophe qui opère cette ascension, mais le Poète inspiré ou enthousiaste. Mais l’idée générale reste la même : l’activité intellectuelle consiste en une élévation qui épure l’esprit philosophique ou poétique des scories du monde terrestre, pour le faire accéder au Vrai. D’où l’idée, chez Pic de la Mirandole par exemple, qu’il y a bien une hiérarchie des existences humaines, celles qui en restent à la condition terrestre, et celle qui empruntent le chemin à la fois intellectuel et religieux de l’élévation vers le Vrai. Ainsi, se résumant, Pic de la Mirandole déclare dans le cours de son opuscule :

Mais à quoi tend tout cela ? À nous faire comprendre qu’il nous appartient, puisque notre condition native nous permet d’être ce que nous voulons, de veiller par-dessus-tout à ce qu’on ne nous accuse pas d’avoir ignoré notre haute charge, pour devenir semblables aux bêtes de somme et aux animaux privés de raison. Que l’on dise plutôt, avec le prophète Asaph : « Vous êtes tous des dieux et des enfants du Très-Haut » ; gardons-nous d’abuser de l’extrême bienveillance du Père, en faisant un funeste usage du libre choix qu’il nous adonné pour notre salut. Qu’une sorte d’ambition sacrée envahisse notre esprit et fasse qu’insatisfaits de la médiocrité, nous aspirions aux sommets et travaillions de toutes nos forces à les atteindre (puisque nous le pouvons si nous le voulons). Dédaignons les choses de la terre, ne nous soucions pas de celles du ciel et, pour finir, reléguant au second rang tout ce qui est du monde, volons à la cour qui se tient au-delà du monde, près de la suréminente Divinité. C’est là, comme le rapportent les mystères sacrés, que les Séraphins, les Chérubins et les Trônes tiennent le premier rang ; quant à nous, désormais incapables de battre en retraite et du supporter la seconde place, efforçons-nous d’égaler leur dignité et leur gloire. Pour peu que nous le veuillions, nous ne leur serons en rien inférieurs.

On ne s’étonnera pas qu’une telle incitation à ne pas « devenir semblables aux bêtes de somme et aux animaux privés de raison » puisse déboucher sur la dénonciation de formes de vies humaines qui, quant à elles, sont jugées bestiales. Ce sont ces conséquences -que l’on ne trouve pas chez Pic lui-même, mais chez certains de ses lecteurs- que dénonce Ajari dans son ouvrage.

Mais entrer dans la pensée de la Renaissance par la porte montaignienne, comme j’ai moi-même fait, c’est se confronter à une définition de la condition humaine qui est radicalement différente. Là encore, je ne vais pas revenir en détail sur une pensée qui est bien connue. Mais il est bien certain que, chez Montaigne, l’usage de la raison n’a pas le pouvoir d’élever l’être humain au niveau de la « suréminente Divinité », et que les voies de celle-ci lui sont désormais à peu près bouchées. À ses yeux, la différence entre l’homme et l’animal n’est plus décisive, et c’est notamment un des arguments bien connus de l’Apologie de Raymond Sebond : les points communs sont fort nombreux entre l’homme et l’animal. Or, à cette remise en cause de la supériorité de l’être humain répond chez Montaigne la très célèbre remise en cause de la sauvagerie des Cannibales amérindiens, dans le chapitre « Des Cannibales » des Essais. Puisque l’homme occidental, en effet, n’est pas vraiment supérieur à bien des animaux, il aurait bien du mal à déterminer qui est « sauvage » ou « barbare », et qui ne l’est pas. Et non seulement Montaigne affirme que les « cannibales » sont aussi capables que nous dans bien des domaines, mais tout à la fin du chapitre des Essais, ils donnent à entendre leurs voix, et cette voix est fort critique par rapport à la société française du temps de Montaigne. Je rappelle brièvement les circonstances de l’anecdote que rapporte Montaigne à la fin des « Cannibales » : en novembre 1562, Rouen est conquise par les armées royales sur les protestants, et 6 mois après, Charles IX et Catherine de Médicis font leur entrée dans la ville. C’est à ce moment-là que Montaigne vient lui-même à Rouen. Or, cette ville est depuis le début du XVIe siècle un port important pour l’acheminement du pau da brasil, qui est le bois rouge dont on faisait commerce pour obtenir une teinture rouge, servant dans l’artisanat textile. Des navires arrivaient donc à Rouen depuis le Brésil, et c’est ainsi que Montaigne peut rencontrer des « Cannibales » en chair et en os, c’est-à-dire en l’occurrence des membres de la tribu des Tupinamba, avec lesquels la France a des accointances particulières depuis l’expédition de Villegagnon au Brésil en 1555. Montaigne vient de préciser que dans cette tribu, on dit de certains hommes qu’ils sont la « moitié » des autres, et il transcrit ainsi leurs paroles :

Ils avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiant à leurs portes, décharnées de faim et de pauvreté ; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu’ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons.

On voit bien comment ce passage opère, à travers un regard étranger, une mise à nu des dignités hiérarchiques d’Ancien Régime, et qu’il plaide pour une égalité des conditions à l’intérieur du corps politique. D’une certaine manière, les « sauvages » donnent à Montaigne et à son temps une leçon de « dignité », puisqu’ils font valoir l’égalité en droit de tous les hommes malgré les richesses qui les distinguent les uns des autres. Il sont la voix d’une dignité vraie, d’une dignité concrète.

Or, ce passage est précisément cité par Carlo Ginzburg lorsqu’il tente, dans un article, une « préhistoire » du procédé littéraire de « l’estrangement », dont Viktor Chklovski, qui décrit pour la première fois ce procédé en 1917, dit qu’il est un des deux « procédés » par lequel l’art arrive à sa « fin », qui est de nous « procurer une sensation de la chose ». Chlovski avait repéré ce procédé chez Tolstoï ; Ginzburg le repère chez Marc-Aurèle, et fait valoir qu’à partir de la fin du XVIe siècle, chez Guevara puis chez Montaigne, il est le relais d’une regard critique sur la société : « Depuis ce moment [la fin du XVIe siècle], le sauvage, le paysan, et l’animal , ensemble ou séparément, ont constitué un point de vue pour l’observation de la société d’un œil distant, étonné et critique ». Autrement dit, si l’on suit Ginzburg approfondissant la proposition de Chklovski, on peut faire l’hypothèse que le procédé littéraire que l’on trouve dans cette page de Montaigne est non seulement un élément fondateur de l’art et de la littérature occidentaux, mais qu’il fait valoir dans cette culture un point de vue subalterne, mineur. Autrement dit encore, l’élaboration par Montaigne de la figure du « cannibale », la dignité qu’il leur confère, qui est la source non seulement d’une égalité avec les Européens, mais aussi de leur capacité à formuler des critiques à notre égard, n’a rien d’un point de détail dans la culture occidentale. Et il y aurait, du reste, sans doute quelque chose à creuser de ce côté-là, c’est-à-dire du côté d’une dialectique du majoritaire et du minoritaire qui passerait par le procédé de l’« estrangement ».

Mais je ne voudrais pas ici m’attarder trop sur cette discussion, car elle nous ferait perdre de vue le texte d’Ajari lui-même. Il ne s’agit pas ici d’ouvrir une petite guerre des spécialités, assez oiseuse en vérité, et qui consisterait en somme à dire qu’Ajari n’est pas assez précis sur le XVIe siècle. Cela consisterait à se prévaloir d’une spécialité sur une époque, et à limiter la possibilité pour d’autres de parler de cette époque – ce qui serait à mon avis tout à fait contreproductif, y compris pour ceux qui, comme moi, espèrent avant tout intéresser d’autres à cette époque à laquelle je consacre mon travail. Ce que je voudrais proposer plutôt, c’est une réflexion sur les éléments qu’Ajari rate, en racontant une histoire trop lapidaire de la Renaissance européenne, pour une théorisation contemporaine de la dignité. Et ces éléments engagent, je crois, une définition du mineur, du majeur et surtout de leur rapport mutuel. C’est ce que je vais essayer de montrer à présent, en revenant au texte de La dignité ou la mort.

Les conditions de l’universalisation de la dignité noire chez Ajari : la dignité contre le pouvoir.

Si Ajari raconte une telle histoire à propos du XVIe siècle, c’est qu’elle est cohérente avec son propos d’ensemble. C’est une histoire, ai-je dit dans ma conversation critique, « taillée sur mesure et à son usage » de la notion de « dignité » en Occident. En effet, il s’agit de montrer que la philosophie noire possède une notion spécifique de « dignité », qui n’existe pas dans la philosophie blanche. Et ce concept spécifique est ancré dans une expérience, qui est celle de l’indigne, défini comme la proximité permanente de la mort dans laquelle vivent les personnes noires, en Afrique comme dans les sociétés occidentales concernées par les diasporas africaines. Pour Ajari, cette expérience de la proximité de la mort concerne avant tout les populations noires ; et donc, il peut parler d’une expérience noire de l’indigne, et, à partir de cette expérience, d’une définition noire de la dignité comme ce qui tient à distance le risque de la mort. La redéfinition du concept de « dignité » qu’il propose est possible grâce à une expérience sociale, et plus précisément raciale, partagée par tous les noirs.

Il faut donc noter que cette définition de la dignité est à la fois présentée comme déterminée socialement, et en même temps essentielle, en ce sens qu’elle permet de déterminer une essence de l’ensemble des populations noires, que celles-ci soient africaines ou afro-diasporiques. Ajari se revendique en effet d’un essentialisme noir. Cet essentialisme, comme nous l’avons vu, se justifie d’une étude prolongée des textes de la philosophie noire, que ce soit ceux de la négritude, de Frantz Fanon, ou comme nous l’avons vu, de la théologie américaine et de la philosophie africaine. Mais cet essentialisme est surtout, et avant tout, « stratégique » ; en décrivant et construisant une philosophie noire centrée autour de la notion de « dignité », et en reconstruisant de cette notion une histoire dans la philosophie noire, Ajari entend donner une identité aux populations noires. Et il faut sans doute entendre le terme d’identité dans les deux sens, c’est-à-dire à la fois ce qui constitue le sujet, mais aussi ce qui rend le sujet semblable à d’autres sujets. Pour une communauté frappée par la dispersion diasporique, la revendication d’une essence noire, et donc d’une identité entre les noirs, est un préliminaire à toute politique, affirme Ajari.

Cette affirmation peut sembler dangereuse. François-Jacquet-Francillon, sur le site de Transitions, a ainsi émis l’hypothèse que les revendications « identitaires » de la fin du XXe siècle avaient pris le relais des revendications racialistes du début du XXe siècle. Se référer à une essence noire, comme le fait Ajari, ne serait-ce pas prolonger le parti-pris identitaire qu’en France de nos jours, on a plutôt l’habitude de voir s’épanouir à l’extrême-droite ? Cette critique est déjouée par Ajari, dans des pages qui, me semble-t-il, propose un débat extrêmement fructueux avec la philosophie occidentale de la fin du XXe siècle. On les trouve dans une sous-partie éloquemment intitulée « la part indéconstructible de nous-mêmes ». Ajari y conteste le caractère nécessairement émancipateur de la catégorie de déconstruction appliquée aux identités. Butler par exemple, rappelle-t-il, « entreprend de montrer qu’il est toujours in fine impossible pour celui qui s’affirme comme un homme hétérosexuel à la virilité saillante, d’incarner parfaitement, et surtout sans faute, cette image. Le ratage est constitutif de la mise en pratique des stéréotypes de genre ». Mais transposer ce genre d’affirmation à l’identité noire, valoriser « l’hybridité » concernant cette identité, c’est priver les noirs de la possibilité même qu’ils soient constitués en véritable sujet politique. Ajari écrit ainsi :

Comme s’il était possible de sortir de l’esclavage autrement qu’en politisant, précisément, sa condition d’esclave. Comme s’il y avait quelque perspective révolutionnaire, ou même transformatrice, à faire valoir les hypothétiques privilèges de l’esclave et la part de servitude de la condition du maître, afin d’en pointer l’hybridité. Le discours postcolonial sur la fluidité des identités tend ici à saper le fondement historique même sur lequel s’appuie toute politique de la dignité, c’est-à-dire tout essentialisme décolonial.

Il prolonge cette affirmation dans la note, 42, p. 129, qui reprend un passage célèbre de L’Archéologie du savoir de Michel Foucault. Cette note se réfère à un passage où Ajari diagnostique, dans la philosophie post-moderne, « un narcissisme de l’inexistence ». Et il ajoute – dans la note, donc :

Son expression la plus élégante et la plus redoutable est certainement exprimée par Foucault dans un passage célèbre de L’Archéologie du savoir : « Plus d’un, comme moi sans doute, écrivent pour n’avoir pas de visage. Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libres quand il s’agit d’écrire », Foucault Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 29. Mais, pour être ainsi lassé de sa propre identité civile, encore faut-il les avoir, et les avoir en règle, ses papiers ! La plupart des textes que j’ai commentés ici répondaient à une exigence ô combien plus urgente et plus vitale : celle de se donner un visage, qu’autrui puisse percevoir comme autre chose que la face grimaçante d’un singe ou les traits difformes d’un monstre. La philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina avait fort bien cerné le problème : « Michel Foucault n’était au Brésil qu’un voyageur et non un résident, un invité de marque et non un émigrant irrégulier, un homme blanc et non une femme noire. C’est sans doute pourquoi il rêvait, en écrivant, ne pas avoir de visage, ou perdre son visage […]. Pour le résident, l’émigrant irrégulier, la femme noire, ne pas avoir de visage n’est pas un idéal ou un rêve, c’est une expérience, une réalité, un cauchemar. Il y en a qui s’expriment, donc, pour, au contraire, avoir un visage », luste boulbina Seloua, Le Singe de Kafka et autres propos sur la colonie, Lyon, Sens public, 2008, p. 83.

Du point de vue noir, et plus généralement du point de vue de l’ancien colonisé, la déconstruction de l’identité est un geste proprement anti-politique, en ce qu’il répète le geste du pouvoir, à savoir priver le sujet d’identité. C’est précisément l’inverse qu’il faut faire, si l’on veut constituer une puissance politique noire, et plus largement décoloniale. Et cette remarque, qui vaut pour les anciens colonisés, vaut aussi pour d’autres groupes opprimés, fait remarquer Ajari. Ainsi, dans la note qui suit celle où il a cité Boulbina, il cite cette fois-ci Sam Bourcier, théoricienne queer, qui décrit ainsi la situation de la politique gay dans les années 1990 :

« Le grand anti-fondement de toutes ces aventures théoriques post-structurales, c’est bien sûr la mort du sujet, le caractère impersonnel des pouvoirs, la guerre souvent donquichottesque à l’essentialisation, la déconstruction de la politique des identités devenue subitement ultranocive pour les Etats-Uniens dans les cercles universitaires es années 1990, le cheveu de l’agency coupé en quatre… […]. La diffusion de cette fiction qu’est la Frech Theory par certaines (post-)féministes (lesbiennes) américaines dans les années 1990 -dont Butler- va avoir pour curieux effet d’imposer une « bonne conscience » minoritaire paradoxale ayant pour objectif de contrarier une politique des identités fixantes et soi-disant susceptible de générer à son tour des effets d’hégémonie et de normalisation (officiellement, la politique gaie assimilationniste des années 1990). Dans la « France » des années 1990, c’eût été mettre la charrue avant les bœufs, étant donné la manière dont les politiques dites identitaires étaient et sont toujours contenues (même si ça craque de tous les côtés) par les républicains de tous bors qu’ils soient straight, gais ou lesbiennes ». bourcier Sam, Quee Zones (2006), Paris, Éditions Amsterdam, 2011, p. 183.

« Mettre la charrue avant les bœufs », c’est ce à quoi on s’expose lorsqu’on valorise le geste politique de désidentification permanente, dont le terme de « déconstruction » est devenu une sorte de slogan aujourd’hui. Et, bien sûr, je ne m’excepte pas de cette critique. Si je reviens à mon analyse de Montaigne, par exemple, et à mon goût pour Montaigne que je partage à travers cette analyse, il est évident que son aspect « transformiste » est ce qui me plaît chez lui. Qu’il rende équivalent l’homme à l’animal, ou l’homme occidental au sauvage, voilà ce que je valorise chez lui. Mais, d’une certaine manière, je fais avec Montaigne ce qu’un commentateur enthousiaste pourrait faire avec Michel Foucault : je valorise le fait qu’un « voyageur », qu’un « invité de marque », qu’un « homme blanc » puisse se départir de son identité, et j’érige cette hybridation en geste politique par excellence, en oubliant les conditions sociales qui permettent ces transformismes montaignien et foucaldien.

Ainsi, Ajari nous incite à nuancer la critique envers toutes formes de revendications « identitaires » ; encore faut-il prendre en compte d’où viennent ces revendications. Autrement dit, la validité des gestes politiques d’identification et de désidentification est fonction du statut social pré-existant de celui qui accomplit ce geste : ce qui est valable pour un bourgeois blanc n’est pas valable pour un émigré noir ou maghrébin. Est-ce à dire qu’il ne puisse pas y avoir de geste politique commun aux noirs et aux blancs ? Est-ce à dire que la « dignité » noire, fondée sur l’expérience noire de l’indigne et qui fonde à son tour une politique de la reconnaissance de l’identité noire, est impartageable pour les blancs ? Pas tout à fait ; le livre d’Ajari, comme je l’ai souligné dans ma conversation critique, s’ouvre d’une certaine manière à l’universel. Mais d’une certaine manière seulement. L’universalisation de la politique noire de la « dignité » est conditionnée par deux éléments, exposés par Ajari à des endroits différents de son ouvrage. Et, pour le dire schématiquement, une de ces conditions de l’universalisation d’une politique de la dignité emporte mon adhésion, tandis que l’autre non. Je parlerai rapidement de la première, et m’attarderai plus longuement sur la seconde.

D’abord, Ajari reconnaît une sorte d’universel, qu’il nomme « universel par accident ». En opposition sur ce point avec Badiou ou Zizek, il refuse que la figure du militant politique se définisse par un passage de sa condition particulière à un discours universaliste. Au contraire, fait-il valoir, la plupart des courants intellectuels noirs sont nés de « la nécessité historique de revaloriser et de réaffirmer la spécificité nègre, la dignité de cette particularité que, tout au long de son histoire, la modernité a tenue pour abjecte » - et ce malgré les nombreuses interprétations universalistes qui ont été données des écrits de la négritude, comme ceux de Césaire et Senghor. D’où son refus de ce qu’il nomme le « volontarisme universaliste » présupposé par les définitions de la politique données par Zizek et Badiou. Au contraire de cet universalisme, l’universel survient par accident, aux yeux d’Ajari. Je cite un passage où il fait le point sur cette question

Nul ne peut être jamais certain qu’il n’est pas en train de tenir un discours à portée universelle ou, a minima, un discours universalisable. L’universel survient malgré soi. Comme par accident. Il ne s’agit pas de dire que la question de l’universel est une mauvais ou une fausse question, mais une question que personne ne pose. Elle se pose ; elle est posée. L’universalisation est toujours le résultat fortuit de processus politiques , jamais leur cause. Dès lors, il n’est ni possible ni souhaitable de renier l’universel, mais seulement de se garder de tout volontarisme universaliste. Car c’est le désir affirmé, affamé, d’aboutir à l’universel, et non le concept d’universalité lui-même, qui est invariablement solidaire des prédations coloniales et de la division du monde selon l’axe des divilisés et des barbares. Veiller à l’universel, se préoccuper de l’universalité de son discours lorsqu’une transformation radicale de l’ordre social s’impose comme une affaire de survie, pour paraphraser le vieux chef de village des Septs samouraïs de Kurosawa, équivaut à se soucier de sa barbe quand sa tête ne tient qu’à un fil. Mais, plus radicalment encore, élire l’universalité comme un but ou une condition explicite de la politique, c’est s’emmurer dans une logique coloniale qui place à son principe l’abolition de l’altérité. Si l’universel est ce qui arrive à qui lutte dans la dignité et pour la libération, la mission civilisatrice est ce qui arrive assurément à qui lutte pour réaliser l’universel.

En ce sens, Ajari rejoint les analyses de Balibar dans son livre intitulé Des universels, qui fait valoir le paradoxe de l’énoncé universaliste : il prétend à l’universalité, mais il est toujours situé dans des circonstances d’énonciation. Mais à cela, Ajari ajoute que la condition d’une bonne universalisation est, en quelque sorte, que l’énoncé universel contienne en lui-même ces circonstances d’énonciation, et qu’il ne communique donc qu’accidentellement avec d’autres circonstances d’énonciations. En quelque sorte, il s’agit d’un universel construit de manière contingente.

D’autre part, pour universaliser la politique noire de la dignité, Ajari fait valoir que l’histoire occidentale possède, en quelque sorte, ses colonisés de l’intérieur. Ainsi, Ajari cite l’écrivain occitan Yves Rouquette qui, lui aussi, fait valoir la nécessité de renouer avec une histoire occitane assassinée par le pouvoir colonial français. « Contre la puissance des institutions de la Nation ou de l’Occident, écrit Ajari, Rouquette fait le choix de l’essence vaincue. La culture occitane a affronté l’épreuve de la mort causée par une sorte de colonialisme intérieur ». D’autre part, il prend l’exemple de la sorcière et théoricienne féministe Starhawk, qui souligne l’importance des persécutions des sorcières aux XVIe et XVIIe siècles pour faire valoir la nécessité de renouer avec une culture vaincue par le pouvoir. Voici comment Ajari résume ces ponts entre la politique noire de la dignité et la politique occidentale :

Pour des auteurs comme Starhawk ou Rouquette, il existe des connaissances et des formes de vie laissées en déshérence, qui attendent d’être habitées à nouveau et constituent autant de promesses pour l’avenir. Des vestiges de tout ce que l’Europe a dû démolir et assassiner en son propre sein pour devenir impériale. Pourtant, à chacun de ses pas, l’Européen d’aujourd’hui marche sur les débris de ces anciennes cultures populaires. Elles furent longtemps présentées comme des options mortes, des archaïsmes disparus et inopérants, des modes de pensée inactuels. Elles sont pourtant inestimables, en cela qu’elles pavent le chemin vers une sortie des identités meurtrières caractéristiques de l’Europe occidentale moderne.

Au gré de cette universalisation sous condition, la politique noire de la « dignité » change d’aspect. L’important n’est plus qu’elle soit le fait des noirs, mais qu’elle soit le fait des « formes de vie laissées en déshérence ». Et ces formes de vie sont, en quelque sorte, l’autre du pouvoir, ou de l’Europe dans son devenir « impérial ».

Une exigence scientifique et stratégique : penser les interactions entre les luttes pour la dignité et « le » pouvoir.

Dès lors, il s’agit de se demander ce que peut apporter mon parallèle entre la notion de « dignité » telle qu’elle est redéfinie par Ajari, et celle qui est employée par Montaigne. D’une certaine manière, on pourrait dire que, selon les critères ajariens d’universalisation, mon parallèle n’est pas valide. Bien sûr, Montaigne n’est pas noir ; mais de plus, Montaigne ne fait pas non plus partie de ces colonisés de l’intérieur. Pire : Montaigne est assez assurément du côté du pouvoir, y compris dans son développement impérial, puisque, poussé en cela par les Guerres de religion, il donne ses faveurs à la forme absolutiste du pouvoir monarchique. Pourtant, Montaigne ne divinise en rien l’homme européen, et il est éminemment ouvert à d’autres formes de vie qui, à ses yeux, n’ont pas moins de dignité que la forme de vie qui est la sienne. Ainsi, en tant qu’auteur des Essais, il ne me semble pas qu’il développe une « identité meurtrière caractéristique de l’Europe occidentale ». Je crois donc que, ce qui manque à la réflexion ajarienne, c’est une conscience du caractère adaptable du pouvoir ; c’est la conscience du fait que le pouvoir aussi est un devenir ; c’est, en gros, une histoire du pouvoir occidental, qui permettrait de ne pas voir dans ce pouvoir seulement un bloc uniforme d’identités meurtrières éternelles, mais le produit d’un certain nombre de crises (qu’on pourrait appeler, avec Foucault, « crise de gouvernementalité »), qui suscitent à l’intérieur même du pouvoir de très fortes tensions idéologiques, et qui le contraignent à des adaptations majeures. Sans doute que le procédé littéraire de « l’estrangement », que j’ai évoqué au début de mon propos, et qui est un moyen puissant de rendre compte de la nudité des structures de pouvoir lorsqu’elles sont contemplées par un point de vue extérieur et mineur (paysan, animal, sauvage), constitue une des armes qui rendent publique une insatisfaction par rapport à ces structures de pouvoir, les contraignant peu à peu à se modifier.

Mais plus généralement, on peut aussi dire que c’est l’apparition d’une nouvelle forme d’autorité, l’autorité littéraire, au tournant des XVI e et XVIIe siècles, qui a été un puissant instrument de changement pour le pouvoir occidental. Hélène Merlin-Kajman a montré que l’apparition de l’espace des Belles-Lettres à cette date est définie par une nouvelle manière de se présenter au public : non plus en temps que dignitaire, c’est-à-dire comme personne dotée par le roi d’une dignité particulière, mais comme « particulier », c’est-à-dire, pourrait-on dire, comme personne privée. Or, cette nouvelle manière d’apparaître en public présuppose un rapport critique par rapport à l’autorité que confère la dignité au sens de la dignitas romaine. Dans cette société publique de particuliers qu’est l’espace des Belles-Lettres, la dignité n’est plus – ou plus complètement- définitoire de la personne. Et c’est précisément cette « société des particuliers » qui semble à l’origine de la « sphère publique bourgeoise », dont Jürgen Habermas a montré qu’elle était elle-même à l’origine de la Révolution française. Autrement dit, la redéfinition radicale de la notion de « dignité » inaugurée par Montaigne est une étape fondamentale dans l’adaptation progressive du pouvoir occidental à des bouleversements sociaux majeurs. Bien sûr, cette histoire expéditive de la participation de l’espace des Belles-Lettres à l’histoire du pouvoir en Occident entre le XVIe et le XVIIIe siècles, adaptée au format bref de cette communication, est tout à fait insatisfaisante. Mais elle permet au moins d’esquisser le fait qu’une contre-histoire de la notion éthique de dignité qui ne s’appuie que sur les expériences des opprimés se condamne à l’approximation. Elle ignore volontairement qu’entre l’oppression meurtrière et les opprimés ensanglantés, il y a des communications bien réelles, y compris lorsque ces opprimés se trouvent dans des pays lointains. Et ces communications, me semble-t-il, n’ont pas que des conséquences cosmétiques sur l’histoire du pouvoir en Occident.

Mais on ne saurait seulement discuter le livre d’Ajari sur le plan de la vérité historique de ce qu’il expose, puisqu’il affirme lui-même que sa philosophie a une finalité « stratégique », c’est-à-dire qu’elle doit avoir des effets politiques ici et maintenant, et qu’elle doit changer une condition des noirs qui est proprement invivable. Je voudrais ici m’arrêter très brièvement sur les perspectives émancipatrices, pour les minorités opprimées, que propose Ajari. Dans la mesure où il n’y a de politiques émancipatrices que des minorités opprimées, il ne pense que très marginalement la question d’un pouvoir juste, ou, dans son vocabulaire, d’un pouvoir noir. Sa perspective s’arrête souvent à l’idée d’une mobilisation des consciences noires en vue d’une libération, y compris par la violence, sans s’interroger sur l’après. Il le justifie, comme nous l’avons vu, par le problème de l’urgence de la libération noire. Mais son plus récent livre, Noirceur, apporte une tonalité singulière à ces perspectives d’émancipation. Ce livre porte sur la notion d’afro-pessimisme : d’abord utilisée pour désigner l’incapacité du continent noir à se développer, cette notion est réappropriée par les penseurs afro-américains pour penser l’impossibilité de la société américaines, et des sociétés blanches en général, à réformer leurs comportements racistes. D’où des conséquence politiques radicales, qui vont du retour en Afrique à la destruction pure et simple du monde blanc. La possibilité d’une souveraineté noire est très peu étudiée. Autrement dit, la politisation des noirs est essentiellement conçue sur le mode de l’insurrection.

Or, c’est peut-être naïf, mais j’envisage très mal comment cette perspective d’insurrection et de destruction peut répondre au problème de l’indigne noir, qui est celui de la précarité de la vie. Il y a là quelque chose comme une négation radicale du fait que la souveraineté, depuis Hobbes au moins, a aussi été pensée en fonction de son caractère protecteur pour les individus qui composent le corps politique. Cette négation se comprend sans doute, dans la mesure où pour les noirs, la souveraineté blanche est rarement synonyme de protection. Mais il est aussi évident que l’histoire du Pouvoir occidental, tel que le raconte Ajari, et dont on a vu qu’elle était quelque approximative, renforce ce pessimisme radical à l’égard des sociétés occidentales : si, en effet, ce Pouvoir n’est constitué que d’« identités meurtrières », non seulement des noirs, mais aussi des femmes et des cultures subalternes, il n’y a aucune raison d’entretenir à son égard un quelconque espoir. Ainsi, l’historiographie et la stratégie politique qu’Ajari propose s’entretiennent, et empêchent, me semble-t-il, de répondre au problème de l’indigne, c’est-à-dire au problème de la vie caractérisée par l’imminence permanente de la mort.

D’où l’importance de raconter une histoire bien plus nuancée des pouvoirs en Occident. Cette importance n’est pas seulement scientifique, mais elle est aussi, d’une certaine manière, militante. Je refuse par exemple la position qui consiste à réfuter l’essentialisme noir que propose Ajari au nom d’une exactitude scientifique et sociologique, en affirmant qu’il y a avant tout des conditions noires, sans que celles-ci soient unifiées par une condition commune (c’est, par exemple, la position qu’adopte Philippe Corcuff dans son dernier livre). C’est faire de la sociologie une arme contre un militantisme qui lui échappe, en ce sens qu’il ne considère pas en priorité la condition de classe comme celle qui détermine l’oppression subie par les opprimés. En revanche, il me semble nécessaire de raconter l’histoire des interactions mutuelles entre le gouvernement et la population, et d’analyser comment les « crises de gouvernementalités » ont façonné la souveraineté telle qu’elle s’est formulée en Occident. S’intéresser à l’histoire de la littérature, c’est, comme je l’ai esquissé ici, s’intéresser à un lieu où s’est joué en partie ce dialogue conflictuel, mais fructueux, entre le sujet « indigne » et le pouvoir souverain.

 

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