Exergue n° 19

 

« Je crois que la poésie, avant d’acquérir pour toujours, et grâce à un seul, sa dimension et ses pouvoirs, existe préliminairement en traits, en spectre et en vapeur dans le dialogue des êtres qui vivent en intelligence patente avec les ébauches autant qu’avec les grands ouvrages vraiment accomplis de la Création. La menace quasi constante d’anéantissement qui pèse sur eux est leur plus sûre sauvegarde. L’apprentissage du poète qui a lieu en pareille compagnie est un apprentissage privilégié. »

René Char, « Pourquoi du "Soleil des eaux"»
in Trois coups sous les arbres, Gallimard, p.214 , 1967.

 
 


 Aude Volpilhac

21/01/2012

 

Telle pourrait être notre mission : trouver d’abord l’interstice entre le monde et la Poésie, l’élargir, l’habiter, lui donner mesure d’homme. S’il est introuvable, le creuser, l’entrouvrir, le vivifier. Ensuite, une fois devenus hommes-orchestres, il nous faudra faire résonner les choses, leur donner un rythme, un son, une forme pour enfin les faire transiter jusqu’au poète.

Pour cela, il faut cependant que la plupart d’entre nous sache s’effacer, devienne fantômes pour faire vibrer les choses, leur permettre de se lever : une communauté en alerte de la merveille, qui tressaille au contact de ce qui transite dans l’air d’irrégulier, de nerveux, d’indifférent aussi, afin de l’offrir au poète. Car lui seul est capable de transir l’éphémère, de laisser la trace de ce qu’il nous faut sauver. Des transitions à l’envi, l’enthousiasme retrouvé du pluriel ; voilà ce dont nous rêvons.