Exergue n° 118

 

« Je songe aux jouets de mes cinq ans. Une fois miens, ils furent les maîtres. Je croyais pouvoir, avant qu’on me les offrît, les manier à ma fantaisie. Je m’aperçus très vite que je pouvais les détruire au gré de mon humeur ; mais si je les voulais vivants, que je devrais respecter leur mécanisme, leur âme immortelle. Ainsi le langage. »

Edmond Jabès, « Je vous écris d’un pays pesant »,
dans Le Seuil Le Sable. Poésies complètes 1943-1988, Gallimard, 1990, p. 204.

 
 



Helio Milner

26/04/2014

Le souvenir, d’abord, séduit. Cette tragédie, de justesse écartée. La chambre de l’enfant ne sera pas un champ de ruines...

Mais quelle sévérité dans l’adulte qui se souvient !

Un jouet peut-il devenir un maître sans que tout l’espace, autour, se fige ?

Le scénario a quelque chose d’effrayant ; le passage au langage, quelque chose d’implacable.

(J’ai longtemps aimé une marionnette qui avait forme de grenouille et à qui j’avais un jour de fureur arraché un oeil.

Enfilée sur ma main dont la petitesse la rendait un peu bancale, elle avait répondu à l’agression en clignant de l’autre oeil ; et gagné dès lors un mystère torve et puissant que j’ai souvent reconnu, ici et là, dans les romans, dans mes rêves, dans bien des personnes même parfois autour de moi...

Elle avait un grand sourire qui prit alors une signification évolutive « au gré de mes humeurs » - plus vivante et plus palpable d’avoir été, une fois, cruellement énuclée...

J’appris que pour écrire il fallait donner au langage cette plasticité qui aide à plonger de joie ou de tristesse sans craindre les remous...)

   

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