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Exergue n° 164

 

 

 

El director del Museo se obligará a mantenerlo dentro de la línea tradicional figurativa […] Por lo tanto, no podrán ingresar al Museo obras abstractas o derivadas de éstas, ni futuristas, ni tachistas, ni de ningún otro ismo, por haber en la Capital muchas salas destinadas a estas tendencias.

Le directeur du musée aura l’obligation de le maintenir dans la ligne figurative traditionnelle […]. Ainsi ne pourra pas entrer au musée d’œuvre abstraite ou dérivée de l’abstraction, ni les œuvres futuristes, ni les œuvres tachistes, ni d’aucun autre « isme », car dans la Capitale, de nombreuses salles d’exposition sont consacrées à ces tendances.

Benito Quinquela Martín, Reglamento del Museo de Bellas Artes de La Boca, 1967.

 
 

 

Lise Forment

24/03/2018

 

 

Buenos Aires encore. Musée des Beaux-Arts de La Boca. Entre les tableaux rassemblés, cette phrase. En refusant les « ismes » de toutes les avant-gardes de son temps, Benito Quinquela Martín pourrait bien figurer l’anti-transition, non seulement la résistance passéiste aux transitions de l’histoire (au progrès ?), mais aussi le figement dogmatique dans une « ligne », une école – antimoderne ? néo-classique ? Celle d'un Mainteneur, en tout cas, dont les propos résonnent dans ma mémoire avec certains textes de Paulhan ou Cocteau, que j’ai pourtant appris à aimer.

Suspens.

Un partage transitionnel de l’art peut difficilement se fonder sur un « règlement ». Encore moins se faire sur fond de censure et s’élever sur les débris d’une table rase – ici : du présent et de l’avenir, par la mise au ban pure et simple de l’abstraction. Mais la création d’un espace réservé, chasse-gardée du figuratif et de ses lieux communs, n’est rendue possible, désirable, que parce qu’il existait déjà, ailleurs, d’autres galeries pour les avant-gardistes de tout poil(isme).

Nouveau suspens.

Et alors, ce geste de Benito Quinquela Martín serait en somme l’affirmation d’une préférence, irréductible à la tradition que lui-même disait défendre : le « martinisme » – on n’échappe pas au suffixe – a une scène favorite (le port et ses travailleurs), des disciples (on parle bien d’une « école de la Boca »), mais le musée (c’est la maison du peintre) affiche avant tout son désir de promouvoir une esthétique accueillante, sans ironie aucune, teintée des fameuses couleurs qui ont transité des murs du quartier à ses propres murs (ou l’inverse). Une esthétique au premier degré donc, soucieuse de son public, une esthétique adressée, juste belle, juste partageable : n’y a-t-il pas là un plagiat par anticipation de nos intentions manifestes ?

Mais au détour d’une salle…

Je reste en suspens – et pour de bon : me voilà nez à nez avec le portrait dédicacé d’un autre Benito – Mussolini ! Impossible transition de la Boca populaire à l’Italie populiste, des petites saynètes locales au grand mythe de l’identité nationale. Un méchant « isme » s’était terré là, que je ne savais ni ne voulais voir. À méditer encore, à conjurer sans cesse : le risque populiste de toute impulsion démocratique, quand le geste esquissé se transforme en une Geste ampoulée. À écarter aussi : tous les malentendus, ces mains tendues qu’on ne veut pas prendre et que notre défense de la littérature peut rencontrer. Sans quoi nos mots (la beauté, la valeur, la naïveté) seront toujours les leurs. Sans quoi le partage sera tout sauf transitionnel.