Adage n° 35.1. : Petite pluie abat grand vent / H. Merlin-Kajman



Adage n°35.1.

 

Petite pluie abat grand vent
 
 

Hélène Merlin-Kajman

07/05/2022

Il y a des lares domestiques, des divinités apolliniennes, chtoniennes, olympiennes... Mais Petite pluie et Grand vent sont des esprits sylvestres malicieux qui jouent à David et Goliath. Je vois les joues, les lèvres de Grand vent gonflées de colère contre les mille malices de Petite pluie : elle lui inonde le visage, pénètre ses yeux, noie sa bouche qui ne peut plus souffler. Pas un centimètre carré sans qu’elle glisse sur lui des gouttelettes d’eau aussi fines, aussi transperçantes qu’une tête d’épingle. Il étouffe, il s’étouffe, se dégonfle, et finalement s’enfuit. C’est le triomphe de Petite pluie, qui se moque ! jusqu’à ce que Grand vent vienne saluer avec elle sous un tonnerre d’applaudissements...

Cet adage, je ne parviens pas à le prendre au sérieux. Il me fait rire. Il évoque pour moi un ballet d’enfants ou une partie de catch. Bien sûr, je sympathise avec Petite pluie, exactement comme je sympathise avec la joie du petit tailleur vainqueur de l’ogre par la grâce de son seul écriteau, « dix d’un coup » : dix mouches, dix vraies mouches, mais l’ogre ne les imagine même pas, et voilà que pour lui, ce sont des géants. Le faible, s’il est malin, est plus fort que le fort. C’est ce qui manque à l’agneau face au loup : l’astuce. Sa faiblesse est de ne pas encore avoir vécu. David jeune et frêle face à Goliath, le petit tailleur légitimement fier de son exploit, ont plus d’un tour dans leur sac : ils ont déjà vécu, observé, raisonné ; ils ont une conscience virtuose du rapport de force et l’évaluent d’un seul coup d’œil.

Petite pluie, c’est moins sûr. Mais l’adage me réjouit de la même façon même si je ne comprends rien à sa logique météorologique : comment une petite pluie pourrait-elle abattre un grand vent ? Il s’agit sans doute d’un enchaînement observé : dans la tornade et l’orage, quand la pluie commence à tomber, petite et fine, c’est que le vent est déjà passé. La simultanéité des phénomènes devient un signe moral : la pluie brave le vent. C’est un adage d’espoir pour les humbles plus que pour les malins. Un adage modeste, un adage de réconfort et de joie.