Adage n° 34.1. : Comparaison n'est pas... / G. Furci



Adage n°34.1.

 

Comparaison n'est pas raison
 
 

Guido Furci

02/04/2022

Lisant cet adage pour la première fois, j’ai l’impression de m’entendre. Dans une formulation qui n’a jamais été la mienne, ces mots traduisent ce que j’ai dit dans plusieurs contextes (réunions entre collègues, comités éditoriaux, salles de cours) dans le but de rappeler que la discipline dans laquelle j’inscris mes travaux et ma démarche scientifique ne se fondait pas sur l’injonction de comparer à tout prix, ni sur le présupposé que l’on peut comparer tout et n’importe quoi. En découvrant cet adage, j’avoue m’être imaginé en faire une pancarte à reproduire et coller à l’entrée de tous les départements de Littérature Générale et Comparée du monde : « comparaison n’est pas (forcément) raison ». Nuancée, cette phrase semble faire écho à un slogan bien plus célèbre : « il faut comparer ce qui est comparable ». En dépit de sa portée prescriptive – qui malgré tout me gêne –, celui-ci me paraît mieux correspondre à ce que je pense pouvoir ou devoir faire dans le cadre de mon travail : encore faut-il établir en fonction de quels critères, autrement dit sur quelles bases, une comparaison paraîtrait « justifiable ».

Selon moi, toute comparaison ou « mise en relation » est légitime dès qu’elle peut être argumentée de manière aussi pertinente que convaincante. J’ai conscience qu’un tel constat présuppose que le degré d’acceptabilité d’une comparaison dépend inévitablement d’une évaluation subjective, donc possiblement arbitraire. Et en même temps, à partir du moment où la question du bien fondé d’une comparaison se pose, je suis persuadé que, quoi que l’on fasse, il est fort probable que les résultats s’avèrent plus intéressants (et fiables) qu’en l’absence d’une réflexion de ce type. Or, l’adage mis en examen ne nous invite pas vraiment à pondérer la plausibilité d’une quelconque approche comparatiste : « comparaison n’est pas raison » véhicule une prise de position beaucoup plus définitive que tout ce qui résonne en moi à sa lecture.

Ce qui est intéressant, c’est que, de prime abord, la radicalité de cet énoncé m’ait semblé, sinon admissible, du moins défendable, ne serait-ce que dans quelques situations, et face à certaines approximations ou « dérives ». Cela dit, lorsque je me revois soutenir une thèse similaire à celle de cet adage, je réalise que cela a toujours été en réaction à des gestes (critiques ?) que j’aurais pu qualifier de dangereux. Je me demande si, à l’origine, « comparaison n’est pas raison » n’aurais pas dû être rapproché de « l’herbe du voisin [qui] est toujours plus verte », ou de quelque chose dans ce genre. Au-delà de ce qu’il m’évoque sur le plan personnel, j’ai en effet l’impression que, dans l’absolu, cet adage cherche plutôt à transmettre un enseignement. Sous-entendant une habitude – somme toute assez spontanée – à tisser des liens entre les choses, à définir par analogie ou par contraste, je me demande si le sens premier de la formule n’aurait pas été lié à la tendance, tout aussi répandue, que chacun (?) a de se comparer aux autres…

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