Adage n° 30.2 : Qui sème le vent récolte la tempête / H. Merlin-Kajman



Adage n°30.2

 

Qui sème le vent récolte la tempête.
 
 

Hélène Merlin-Kajman

04/12/2021

Je vois tout de suite la tempête : elle me saute aux yeux, assourdit mes oreilles.

Elle est là avant toute réflexion, comme dans un recueil d’emblèmes. Je me fiche des semeurs de vent. Elle souffle partout. Elle balaie tout.

*

Le voyageur fait le gros dos, sa pélerine est gonflée de vent, il peine sous les rafales de pluie, l’amoncellement sauvage des nuages, le tonnerre, les éclairs. D’une main il essaie de maintenir la protection du capuchon sur sa tête. De l’autre il tient un bâton pour résister au vent. S’il s’arrête, c’en est fait de lui, et de ceux qui l’attendent, sans qu’il sache s’il les retrouvera, eux, là-bas.

*

Je ne l’avais pas vu venir. Je ne serais pas sortie sinon.

Mais peut-être étais-je dehors parce qu’il n’y a pas de dedans. Peut-être ai-je toujours déjà perdu mon chemin : peut-être le vent a-t-il depuis longtemps renversé les panneaux indicateurs, arraché les haies protectrices, détruit les lampadaires qui m’auraient éclairée.

Je ne sais plus si elle va s’arrêter. Je ne sais pas non plus si je suis seule, ou bien si nous sommes plusieurs, pas loin, à marcher dans ce tumulte.

Il fait trop noir, et la pluie est trop drue, les nuages trop serrés...

*

Mais je suis brave dans la tempête (jusqu’à un certain point). J’ai des fables dans la tête. Je ne suis pas contre toutes les tempêtes (malheureusement). J’évite le bord des falaises et la rive des fleuves. J’essaie de voir où sont les autres. Et les pompiers ? Les services d’urgence ? Les permanences téléphoniques ?

*

Je ne cherche pas les semeurs de vent – c’est trop tard.

J’apprends que les plus sincères sont portés disparus.

De plus jeunes se sont mis en route pour les chercher. Ils n’ont pas connu l’époque des semailles de vent. Ils sont étonnés mais vaillants.

On dit que les rescapés ont acquis de la sagesse.

On reconstruira plus tard, avec eux.

*

Une gerbe d’images me repose de cet effroi : l’orchestre de Mickey dirigeant Guillaume Tell dans « La Fanfare ». La tornade qui les éparpille et disloque tout n’en tuera aucun, n’arrêtera pas Donald et son fifre insolent, ni aucun instrumentiste tourbillonnant accroché dans les arbres à sa musique en lambeaux, peu à peu délicatement reposé dans son siège, pour les derniers accords, la bourrasque s’apaisant...

Tout et chacun à sa place, triomphant !

Ne manque que le public pour applaudir (enfui aux premières bourrasques)....

*

Oui – mais qui était le semeur de vent ?

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