Adage n°40.3.

 

Dindon perché, temps moullé

 
 

Guido Furci

16/07/2022

Cet adage me paraît questionner le sens du mot « adage » tel que je le perçois : ad agio (littéralement, « à l’aise »). Indication de mouvement ou de « rythme » (dans le langage musical, l’adagio se situe entre le lento et l’andante), mais aussi, en quelque sorte, de comportement, d’attitude (être à l’aise signifie être dans un état de confort), l’adage est une façon de dire qui me semble véhiculer une façon très particulière de recevoir. Souvent imagé, l’adage invite à visualiser les mots, avant de les entendre ; fait pour être répété, il demande à ce que sa répétition puisse se configurer dans un système de « variations sur le thème » ; « détendu », « serein », « décontracté », il a tendance à faire de la « légèreté pensive » dont parlait Italo Calvino la conditio sine qua non de sa propre existence.

« Dindon perché » : je le vois, il est là, placé sur un endroit élevé, peut-être déjà en train de rôtir, de tourner sur lui-même. « Temps moullé » (orthographe désuète de « moulé ») : tour après tour, le temps, comme le dindon, se transforme. La virgule qui sépare les deux syntagmes implique un rapport de cause à effet. Elle suggère aussi l’émergence d’un moment de suspension : une durée qui dure, mais qui ne passe pas tout à fait. Tel un métronome organique (et quelque peu dégoulinant – ce qui me fait penser aux hallucinations de Cronenberg dans Existenz, film de 1999 – fin et début d’une époque), le dindon se consomme, mais assez lentement pour qu’il puisse continuer de se consommer, giro dopo giro. Le temps, quant à lui, se laisse modeler : une image, qui est surtout une expérience (« dindon perché »), semble être en mesure de le sculpter – et de l’ausculter – sans pour autant parvenir à le figer pour en faire une statue, pour le « monumentaliser ».

Je ne saurais pas paraphraser la formulation de départ. Cela dit, j’aime penser qu’elle a pu signifier, au moins une fois : quand le dindon se prépare, il ne nous reste qu’à attendre. Autrement dit, lorsqu’un processus est déclenché, il faut aussi être capables d’accepter (d’attendre) que « les choses se fassent ».

C’est important, parfois, de laisser les choses se faire. Parfois – et à condition d’avoir su déclencher le « bon processus », bien sûr. Laisser les choses se faire ne veut pas simplement dire « patienter ». Mais plutôt « s’autoriser à ne pas exercer un contrôle sur tout ». Lâcher prise ?

Tic, tac, tic, tac, tic, tac … (horloge, four ou métronome, au fond, ça revient au même).

Giro dopo giro . Soixante pulsations par minute. [...]

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