Adage n°39.2.

 

Pas de nouvelles, bonnes nouvelles.

 
 

Hélène Merlin-Kajman

16/07/2022

De tous ceux que nous avons publiés sur le site, je crois que cet adage est celui que j’ai le plus entendu et le plus prononcé dans ma vie. Je l’ai prononcé comme fille il y a longtemps ; et je l’ai entendu comme mère. Il n’est pas fait pour dire la vérité ; il est fait pour calmer l’angoisse de l’autre en mettant une limite à sa demande insatiable de nouvelles. « Pas de nouvelles bonnes nouvelles ! » : lancée joyeusement lors de la séparation, la phrase signifie : « Laisse-moi tranquille, laisse-moi partir sans me soucier de toi ni toi de moi, sans me mettre tyranniquement ce fil à la patte de ton inquiétude. Laisse-moi t’oublier un peu pendant ce voyage, ce séjour avec d’autres que toi. Tu n’entendras parler de moi que si je suis malade ou mort. »

Il y a là une vraisemblance qui rassure l’âme torturée de celui qui est resté et qui attend tout de même quelque signe, qui guette le courrier, surveille frénétiquement son mail, sursaute au moindre son de son téléphone. Devant le vide, il se répète l’adage, soupèse sa vérité, cherche des statistiques – il y en a sur tout. Quel pourcentage d’accidents se sont produits sans que la nouvelle en parvienne tôt ou tard à la personne la plus proche de la victime ? Ou plutôt : dans quel pourcentage de cas l’absence de nouvelles a-t-elle eu des conséquences funestes pour la victime ? Avertie du lieu, des circonstances, de la situation où la personne se trouvait, celle qui attendait des nouvelles n’aurait-elle pas pu intervenir ? Accourir ? Soutenir ?…

Pas de nouvelles pas de nouvelles : comment une négation si cruelle pourrait-elle être bonne ? Pour celle qui ne peut renoncer à vivre dans la perspective de l’autre (cet autre dont le prototype est l’enfant pour la mère), « pas de nouvelles » est une mauvaise nouvelle. Pas la pire : mais son fantôme dévorant.