Abécédaire

 
 Unité
 
 

Hall Bjørnstad

27/06/2015

Quelle est l’unité de l’unité ? Cette question est-elle une question métaphysique, épistémologique, éthique, politique, esthétique ou tout simplement folle ? Constatons d’abord qu’elle est intraduisible en anglais, car pour chacune des deux occurrences du terme, pour chacune de ces deux unités, il faudrait choisir entre unity (qualité de ce qui caractérise ce qui est un) et unit (quantité comptable constituée comme un), une dualité au sein même de l’unité, mais cachée en français par le terme même. La traduire serait déjà commencer d’y répondre ou du moins serait-ce se prononcer sur quelle unité précède l’autre en la constituant.

Mais quel est alors l’autre de l’unité ? Serait-ce la pluralité, la diversité, l’altérité, le chaos ? sinon la modernité ? la folie ? Nous avons de Nicolas de Cues la définition minimale de l’un : le non aliud, ce qui n’est pas autre, l’autre de l’autre. Sans doute la raison pour laquelle Adorno, en suivant une voie négative parallèle, constate que « l’unité en soi transcende l’unité » et que Pascal, selon l’unité de mesure que constitue l’homme (l’homo mensura), observe que « l’homme passe infiniment l’homme ».

Et où se trouve l’unité dans la sainte trinité des célèbres « unités » théâtrales ? Unity ou unit (John Lyons), qualité ou quantité? Unité – pour qualifier, sinon pour disqualifier, sur le mode polémique, ou plutôt pour compter et mesurer ? La locution unité de mesure s’emploie depuis 1790 « pour désigner une quantité déterminée arbitrairement, qui sert de terme de comparaison à des quantités de même espèce » (Alain Rey). Mais qu’en est-il de l’unité de démesure qui se profile dans la rencontre de l’arbitraire tragique ?

Et l’unité de ces remarques ? Sans doute son absence, sûrement leur folie.