Abécédaire

 

 
Agape(s) n° 1
 
 


Brice Tabeling

23/09/2017

 

 

Qui parle d’ « agapes », sérieusement ?

Pour moi, c’est une scène du 19e (le siècle) : j’imagine un grand (et gros) bourgeois, déguisé en Satyre, le verre levé, au bout d’une table débordant (au point de la nausée) de plats divers et qu’entoure une foule bruyante de convives -- demi-mondaines, banquiers, pique-assiettes, poètes etc. – déjà un peu ivres et indifférents. Le Satyre se racle la gorge, réclame le silence puis, par souci de finesse et de culture, déclare « les agapes ouvertes ».

C’est malicieux, c’est érudit, le terme a du cachet – Platon et le Christ, excusez du peu ! – et il ne coûte rien, se substituant sans perte à « fête », « festin », « repas » ou « dîner » ; il suggère même un semblant de profondeur et une apparence de sentiment. Les « agapes », c’est une fête à laquelle s’ajoutent un brin d’étymologie, un soupçon de réflexion théologico-philosophique et une histoire immémoriale qui nous relie, insiste notre bourgeois face à des invités déjà un peu las, à cet âge doré où les choses avaient du sens, où les dieux se mêlaient aux hommes et où l’on savait s’amuser.

Je dis « agapes » : n’entendez-vous pas passer comme un frisson de l’origine ?  

La sonorité du mot n’est probablement pas étrangère à cette affaire. On n’entend que le son « a », les deux occlusives ne servant qu’à le rendre plus triomphant. « Agapes », c’est le commencement dans toute sa gloire : l’alpha sans l’oméga et le balbutiement du petit d’homme (« Aga ? Aga ? ») – ou de l’ivrogne hagard au début de sa longue descente (« Aga ? peuh… »).

Je suis injuste. Mais commencer l’année avec un tel terme n’est-ce pas tout de même un peu lourd ? Ce que j’y entends (injustement, je veux bien en convenir) de fantasme de l’origine ne risque-t-il pas de gâcher la joie (plus modeste me semble-t-il) de la simple reprise ? Il y a, à mes oreilles, trop peu de demi-tours, d’hésitations et de retours dans « Agapes ». Le terme est trop plein de ses deux « a » et de ses origines grecques et évangéliques (deux « a », deux origines ? Je n’en démords plus : « agapes » manque de légèreté) pour faire place au transitionnel. Il faudrait lui ajouter de la contradiction, de la perplexité, du désaccord. Il faudrait lui ajouter un « z ».

Les « Zagapes » ? Ce serait bien. J’aurais dû. Mais le mot n’existe pas. Alors, voici une figure bien mieux adaptée à l’inauguration de notre rentrée à Transitions : le « zigzag ».   

   

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