Abécédaire

 

 

Souffle

 




Sarah Nancy

27/05/2017

 

 

 

 

Le verbe « souffler », dont « souffle » est le déverbal, vient de subflare : souffler (flare) par dessous (sub-). Dès le départ, donc, plus qu’un souffle : un souffle avec une intention – soulever, projeter, envoyer loin, mettre en mouvement –, un souffle sous, un ssouffle. D’ailleurs, le mot fait le bruit de ce qu’il désigne avec ses consonnes sifflantes et fricatives, et sa voyelle qui glisse impérieusement entre les lèvres. Pfiou ! Ouf ! Whouuu ! Une onomatopée, mais inspirée. 

Parce que le son du souffle ne le cède pas au sens. De l’esprit au corps, du presque rien au Grand Tout, il gonfle ses voiles. Le voici à l’aube du monde, en deçà de la matière, « plan[ant] sur les eaux » ; le revoilà tout chargé de chair, buée sur la vitre, haleine parfumée, halètement dans l’étreinte. Et soudain imperceptible exhalaison, il accuse la faiblesse de celui qu’il renverse. Et de nouveau incommensurable, gigantesque : « souffle immense de la mer » (Hugo), baleines et génie.

Comme le Passant chez La Fontaine, qui, d’un même geste, « réchauffe ses mains » et « refroidit son potage », le mot lui-même « souffle le chaud et le froid », inquiétant son hôte le Satyre, m’irritant moi. C’est un peu facile d’être vital.

Je le préfère diluant une voix qui ne connaît pas le grand opéra. Je le préfère dans les salles de classe, murmure solidaire se faufilant vers l’élève paralysé. Je le préfère sur les bougies d’anniversaires.