Juste un poème n° 8

 

 



 

Instants n° 3

 

 


Sebastian Amigorena

18/01/2014

                                  
                                                 

 

 

 

La mer décompose la lune et le soleil en salves de feux intermittents. L'aspérité mobile de sa surface miroitante transforme ces sources continues de photons lointains en flots saccadés de flèches brillantes. La fréquence et la densité de leurs éclats s'estompent latéralement en s'éloignant de l'axe vertical de leur source. Jeux de lumières, ils nous suivent du regard. Les reflets sont incompréhensibles, incontrôlables. Tentatives désespérées de maîtriser l'immaîtrisable, les miroirs créent un abîme encore plus énigmatique, qui nous transforme en semblables étrangers. Par la même alchimie humide, les jours de pluie, sur les rues désertes, les reflets rallongent toute source de lumière jusqu'à la douleur.

 

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Parfois, l'ombre qui joue dans les feuilles des arbres projette des éclats de soleil ronds et mobiles. Les explications physiques à ce phénomène étrange sont assez simples. Interstices fins formés par la superposition tridimensionnelle des feuilles, lois de diffraction de la lumière et vent (pour la mobilité), se chargent d'assurer ce spectacle touchant. Si nous créons entre nos doigts serrés un espace triangulaire suffisamment petit et que nous en approchons notre œil, par un phénomène optique assez semblable, le trou devient rond. Vu par cette fente circulaire, le monde change. Flou, étrange, un monde de beauté vague où la lumière caresse les ombres de ses doigts légers.

 

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Les étoiles ne meurent pas, ou si peu. Elles ne s’éloignent lentement de nulle part. Seules dans l'espace, dans le temps, elles frissonnent de peur, de froid. Perdues dans la nuit, sans espoir, de lumière tremblotante elles voudraient éclairer la pénombre sans fin.

 

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La pleine lune éclaire de longs nuages fins, qui se déplacent lentement, chassés par le vent. En fond d'écran, l'intensité bleu-gris du ciel augmente en s'éloignant de la source de lumière pâle, alors que l'éclat des voiles claires décroît. Leur texture granulaire, leurs formes allongées, recommencées, créent une illusion de paysages désolés. Sur un ciel sombre, les nuages sont faits de rareté. Reflets limpides, lueurs perdues, la nuit humide brille dans nos yeux. 

 

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La lumière est faite de sources directes et de reflets, de soleil et de lune. Fenêtres des immeubles, bêtement alignées, phares des voitures, fuyantes, ou lampadaires au coin des rues, les sources directes de photons sont étroites, immédiates. Elles nous percent, nous traversent. Nous dévoilent, pâles reflets de nous-mêmes perdus dans la nuit. Les photons lunaires - ceux qui nous arrivent par ricochet - sont plus complexes, nuancés, osés. Ils nous racontent leurs voyages, leur histoire, les doutes qu'ils ont appris. Les photons qui caressent ton regard sont parfois cruels et déroutants.

 

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Il est des images que nous conservons au-delà du temps. Elles se nichent dans quelque recoin poussiéreux de toile neuronale, coincées dans une forêt de connections synaptiques. Quelle combinaison étrange de médiateurs chimiques et de courants électriques congèle ces tableaux intimes que nous avons peints un jour lointain ? Et elles y restent longtemps, toujours. Les sentiers qui mènent vers ces lieux sacrés sont fugitifs, intemporels, labyrinthiques. Nous savons pourtant les emprunter, parfois malgré nous, sans hésiter, sans jamais nous perdre ou nous tromper. Et nous contemplons ces reflets de nous-mêmes encore et encore, quand la force nous abandonne ou bien en automne.

  

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