Abécédaire

 

 
Sottise n°2
 
 


Virginie Huguenin

02/07/2016



Nom féminin dont n’usent plus que les grands-mères. Ce mot désigne moins une action qu’une parole et la rend vaine à l’instant même où il est prononcé. « Sottises ! » interrompt la pensée de celui qui se l’entend dire et la retranche au rang de ce qui peut être méprisé. « Sottises ! » arrête le babil de l’enfant et le fige dans l’insulte faite à sa parole, à ses idées.

D’ailleurs, dans un autre emploi, « sottise » est synonyme d’insulte. « Il m’a incendiée de sottises » : ma grand-mère disait cela. Enfant, je la sentais blessée en un endroit que je ne savais pas situer.

Un jour, pourtant, je devais avoir neuf ou dix ans, un camarade avec qui je me disputais a brutalement lâché, parlant de moi : « Qu’est-ce qu’elle est sotte celle-ci ! ». Sa parole sifflante a fait surgir en moi la voix de ma grand-mère « incendiée de sottises ». Alors j’ai compris sa blessure, devenue la mienne.

Le mot « sotte » s’en prenait avant tout à la part féminine qui était en nous. Le mot, insidieusement, nous déshonorait en soulignant notre manque de retenue, notre absence de pudeur. Implicitement (de quoi sommes-nous donc les héritières ?) le mot jetait aussi le doute sur notre « vertu ».

De là vient qu’encore aujourd’hui, je ne puis m’empêcher d’entendre derrière le mot « sotte » sonner le mot « salope ».

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