Hélène Merlin-Kajman

29 septembre 2012

 

Vrai... ou trop vrai ?

 

Nous inaugurons aujourd’hui le thème « Trop vrai » d’« Intensités » avec la réédition d’un article, « Le phénomène Guibert : une perversion de la modernité ? », écrit il y a presque vingt ans. Je souhaite que d’autres que moi évaluent le trajet parcouru depuis ces dix-neuf ans, sans éluder son (provisoire) dernier rebondissement : Richard Millet plaçant la littérature dans le sillage métaphorique d’un massacre de jeunes gens sur une île norvégienne au nom de la pureté, et Annie Ernaux, auteure d’auto-fictions, contre-attaquant en défendant l’honneur de la littérature... Quel corps (de femme ?), quel droit à le violer ou au contraire à le rendre inviolable, se dispute-t-on ? Quelle réalité, quelle vérité, garderait la littérature ?

Ces questions pourraient bien figurer parmi celles que nous nous poserons mercredi, jeudi et vendredi prochain (3-5 octobre) lors du colloque international organisé par Transitions : « "Littérature" : où allons-nous ? ».

Avec une vertigineuse gravité et une vertigineuse profondeur, Paul-Emile, vingt-et-un ans, place la littérature très haut dans la réponse à son questionnaire : « nécessaire encore cette littérature qui nous gouverne ». La question de la hauteur (de la haute culture, de sa nécessité) pourrait fournir aussi un thème prochain de réflexion. Comment intervient-elle dans l’espace transitionnel qui, selon Winnicott, n’est ni « haut », ni nécessaire, tant il y a du transitoire et de l’aléatoire en lui, et l’horizontalité de l’enfance partagée ?

Paul Laborde commente une citation d’Edmond Jabès. Et l’on dirait qu’il définit ce que fait Mary Shaw avec ses « Dreamscapes » que nous publions régulièrement ici : « Ni le jour, ni la nuit : construire dans le langage un silence et dans le silence un langage. »

Tout cela, en somme, aux antipodes du trop de « Trop vrai ».