Hélène Merlin-Kajman

26 octobre 2013

 

Justice, justesse

 

Relisant La Chambre claire pour présenter la contribution de François Kerlouégan à notre thème « Trop vrai » d’Intensités intitulée « Quand le corps dit vrai. De quelques portraits photographiques d’écrivains au XIXe siècle », je tombe sur ce passage où Barthes évoque les photographies de sa mère :

« “Pas une image juste, juste une image”, dit Godard. Mais mon chagrin voulait une image juste, une image qui fût à la fois justice et justesse : juste une image, mais une image juste. »

Serait-ce le résumé de ce que nous cherchons à faire, d’un juste à l’autre et entre le « trop » et le « trop peu » ? Pas certain. Comme le rappelle François Kerlouégan, notre regard est désormais également occupé par ce qu’il a vu (et trop vu ?) : les photos des camps, auxquelles depuis ne cessent de s’ajouter des images de ce que peut la cruauté humaine. La justice, face à elles, ne se prédique pas d’elles – et la blessure scopique, si proche de la jouissance, qu’elles nous causent, n’est pas bon vecteur de ce que, sans détourner les yeux, nous cherchons à ouvrir : un monde possible, malgré tout.

« Tant d’aplomb pour la transition ! » s’exclame Sarah Nancy dans son exergue sur une phrase de Victor Hugo. On pourrait presque, à sa tendresse pour l’emphase hugolienne, associer cette remarque finale de Lumberjack, médecin urgentiste, dans ses réponses pleines de surprises à notre questionnaire : « Je ne me considère pas comme un littéraire mais j’en ai dans ma famille, et je les aime bien ».

Helio Milner, pour son nouveau « Trope », a choisi une fable peu connue de La Fontaine, « L’oiseau blessé d’une flèche ». L’enfant proteste, et sa question est encore celle de la justice...