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Brice Tabeling

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Novembre 2018

 

 

 

Les ressources transitionnelles de la conversation

 

Depuis plus d’un an, le mouvement Transitions poursuit une discussion autour des enjeux dans l’interprétation littéraire de la prise en compte des violences sexuelles. Cette discussion a pris comme point de départ la publication il y a un an d’une lettre par des agrégatifs s'interrogeant sur l’opportunité d’appliquer ou non le terme de « viol » au commentaire d’un poème de Chénier, « L’Oaristys », texte alors au programme du concours de Lettres modernes. Ce mois-ci, Lise Forment apporte une nouvelle contribution au débat à travers une longue saynète autour de La Mère coupable de Beaumarchais.

Son commentaire fait suite à plusieurs textes publiés sur notre site : une saynète consacrée à « L’Oaristys » et un article important sur les trigger-warnings d’Hélène Merlin-Kajman, un exergue de Mathilde Faugère, une réflexion sur l’éthique du métadiscours dont je suis l’auteur et, de manière plus oblique, une conférence de Lise Forment autour de La Princesse de Montpensier. Certains signataires de la lettre des agrégatifs ont, de leur côté, fait paraître une réponse à la saynète d’Hélène Merlin-Kajman sur le site malaise.hypothese.org. Toutes ces publications, aussi importantes soient-elles, ne doivent cependant pas dissimuler ce qui a constitué pendant plus d’un an le cœur de la réflexion : la discussion collective qu’aura menée notre mouvement – c’est-à-dire aussi : à laquelle il se sera risqué.

Car, sur une telle question, il me semble vain d’espérer une conversation dont l’objectivité abstraite permettrait d’effacer la part personnelle (et, parfois, obscure) dont nous nourrissons nos arguments. Ne serait-ce pas d’ailleurs la reconnaissance des implications intimes de la discussion rationnelle qui constitue une des conditions de sa possibilité, en tout cas sur un sujet comme celui-là ? À cet égard, notre réflexion engagée dès la création de notre mouvement par Hélène Merlin-Kajman (et toujours en cours !) autour de la civilité me paraît avoir été un élément déterminant de l’endurance de cette conversation collective, de la même manière que la plasticité de nos formes (saynètes, exergues, etc.) et nos efforts de déplacements théoriques (principalement du côté de la littérature mais aussi du trauma, du quasi-politique, du différend) ont pu aider à rendre traitable ce problème sociopolitique à la fois intense et urgent – et les désaccords qui y sont apparus. La saynète de Lise Forment sur un passage brutal de La Mère coupable présente de manière limpide ces ressources proprement transitionnelles, particulièrement précieuses, me semble-t-il, pour mener ces débats par lesquels l’actualité du monde contemporain ne cesse de nous interpeller.

À lire aussi, ce mois-ci : les définitions de « Bond » et de « Désert » d’Hélène Merlin-Kajman, de « Coucou » de Mathilde Faugère, et de « Cruauté » de Noémie Bys, la saynète de Tiphaine Pocquet autour d’un extrait de Non ! De l’esprit de révolte de Vincent Delecroix et un exergue de Lise Forment autour de Roland Barthes.

Bonne lecture !

B. T.

 

 
 
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