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Hélène Merlin-Kajman

24 mai 2014

 

Oscillation 

Le cerisier de Richard Soudée ressemble aux premières poésies qu’on apprend enfant, lorsque les mots sont encore comme des cerises dont le goût émerveille ou étonne.

Serait-ce ce sentiment que l’exergue de Gilbert Cabasso, sur une citation de Rosie Pinhas-Delpuech, saisirait, mais à son extrémité panique, lorsque la sidération devient un blanc, une pièce manquante, « entre désastre et désir » ?

Fulgurance de la beauté, ajoute-t-il, celle qui rattrape au bord de l’abîme cette sidération pour en tirer sa force d’attraction – et de salut !

Et ne serait-ce pas plutôt cette victoire-ci que commente Mimi, qui retient, parmi les réponses données par des écrivains à la question « pourquoi écrivez-vous ? » la première : « pour ne pas devenir fou », parce que, écrit-elle, « c’est plus ou moins notre objectif à tous, conscient ou inconscient » ?

Depuis le début - dès le premier article de Marcel Hénaffsur la grâce et sa civilité auquel avait répondu Gérald Sfez insistant, quant à lui, sur le surgissement barbare de la beauté -, nous cultivons cette oscillation, entre deux dénuements, l’un paisible et immédiatement sociable, l’autre surgi de l’exil et du trauma.

Le rebond de Mitchell Greenberg à la réponse de Lise Forment, Sarah Nancy, Anne Régent-Susini et Brice Tabeling à son premier texte défendant la pertinence de la notion d’early modern, ou plutôt, le débat entier, engage aussi la question de cette oscillation. Serions-nous polémiques sans le savoir ? Comment éviter les malentendus sans devenir dogmatiques ? Nous espérons que d’autres chercheurs entreront dans la discussion.

Osciller, ce n’est pas se soustraire. Ni obscurcir à plaisir. C’est dégager un noeud que nous ne désirons pas trancher : naïveté douce opposée, sans la moindre vraisemblance, à un monde qui n’arrête pas de nous sidérer et face auquel la beauté serait l’essai d’un geste, jamais une forme de réponse.

Peu à peu notre style se forge : nous préférons dégager obstinément des questions, nouvelles ou anciennes, plutôt que sauter l’étape de l’hésitation.

Non, ce n’est pas se soustraire. Notre prochain colloque, « Littéraires : de quoi sommes-nous les “spécialistes” ? » en témoigne : vous en trouverez l’argument et le programme en cliquant ici.

 

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