Exergue n° 124

 

« Nous devions dire, je ne sais : “Tout ça c’est des mots. Et : tout ça c’est des phrases. Des mots de langues et des phrases de souffles. Et des mots de langues, cela c’est en guise des choses de la terre. Mais ce ne sont pas des choses de la terre. Cette chose. Cette chose-là. Cette terre. Et à tout cela nous sommes un peu contraints de ne pas trop y croire. Car les mots de langues ce sont des revenants qu’on évoque. Les revenants ce sont les âmes en peine. Les âmes en peine ce sont les morts, les absents. Or, les morts, d’abord, ce sont les ne revenant pas. Ce sont du vent. Revenants qui ne reviennent pas. […]” » 

Pascal Quignard, Le Lecteur,
Paris, Gallimard, 1976, p. 130.

 
 



Natacha Israël

07/06/2014

Il dit que la phrase est grosse d’âmes en peine, d’absents, et j’entends « y compris celles-ci : la mienne et la tienne, les nôtres vois-tu… » Ceux que je viens de dire et qui l’ignorent, je ne sais pas moi-même qui ils sont. Ils sont dans le vent. À ma manière, je les vois ; plutôt, je vois leur bonté car, ce soir, ce ne sont pas de méchants fantômes. Dans les mots ils se lovent ou passent furtivement pour les faire sonner plus intensément ; que l’oreille soit plus attentive ; que chacun se souvienne de choses radicalement aimées. Eux-mêmes ne croiraient pas que le sourire d’une défunte puisse illuminer à ce point certains souffles de phrases... Parfois, c’est vrai, nous sommes dans un courant d’air taciturne qui souffle réellement des mots de mort. Mais les morts des mots, eux, sont des revenants capables de nous porter en avant et de délivrer (pas seulement des livres).

  

Powered by : www.eponim.com - Graphisme : Thierry Mouraux   - Mentions légales                                                                                         Administration