« Littéraires de quoi sommes-nous les "spécialistes" ? »

Deuxième demi-journée

 

Cette intervention d'Agnès Cambier s'inscrit dans la première des sessions consacrées au passage « De la spécialité "littéraire" à la spécialisation » (vous pouvez lire ici l'argument général et la synthèse du colloque « Littéraires, de quoi sommes-nous les "spécialistes" ? »). Il était demandé aux participants de réfléchir à ces moments de spécialisation que sont les projets de recherche doctoraux et post-doctoraux, dont ils faisaient alors l'expérience : qu'est-ce, pratiquement et subjectivement, que se spécialiser ? L'expérience de ce processus peut-elle nous aider à définir, théoriquement, une discipline littéraire qui nous réunirait tous ? 

Nous remercions les différents intervenants du colloque de nous avoir permis de diffuser leur intervention ou d'avoir accepté de nous en donner une version écrite. Il leur a été proposé, dans ce dernier cas, de conserver dans leur texte écrit les caractéristiques orales de leur communication et les textes publiés ici sont donc, dans une mesure variable, à rapprocher d'une transcription de leur intervention orale.

 

Agnès Cambier, agrégée de Lettres Modernes, est doctorante à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. La thèse qu'elle prépare sous la direction de Marie-Hélène Boblet et Jeanyves Guérin porte sur les pièces monologales contemporaines. Elle s'intéresse également aux œuvres d'Annie Saumont et d'Albert Camus, ainsi qu'au traitement de la Shoah dans la littérature pour la jeunesse.

 

 


De la spécialité « littéraire » à la spécialisation (1)
 

 

Agnès Cambier 

01/12/2018 

 

Petit parcours en compagnie du docteur Tulp : un spécialiste toujours en transition

Tenter d’apporter des éléments de réponse à la question « qu’est-ce que se spécialiser ? » a pour moi un aspect déconcertant, voire paradoxal, car j’ai longtemps été – et, à bien des titres, je suis encore – quelqu’un qui ne veut pas se spécialiser. Quand j’avais dix-huit ans, mon professeur de piano, effaré de me voir mener conjointement des études de lettres et la pratique assidue de l’art dramatique, de la musique et de la danse, me répétait régulièrement qu’il faut savoir faire des choix… Mais plus on me le disait, plus je refusais de choisir car tout renoncement à l’une de ces passions revenait pour moi à m’amputer d’un bras ou d’une jambe. Comment, alors, parler de spécialisation ?

L’image du bras coupé me conduit au texte qui servira de fil conducteur à cette intervention : c’est un extrait d’une conférence donnée à Paris 3 par l’écrivain Enzo Cormann, dont quelques œuvres figurent dans mon corpus de thèse. Il avait alors évoqué sa conception de l’auteur de théâtre, écrivant parce que « l’assemblée théâtrale[1] » (spectateurs, acteurs et techniciens confondus) lui a attribué cette tâche par « délégation implicite » :

Je cite souvent pour illustrer et tenter d’approfondir cette idée de délégation implicite, le fameux tableau de Rembrandt intitulé la Leçon d’anatomie qui met, si je puis dire, en scène, l’anatomiste Nicolaas Tulp disséquant le bras d’un cadavre en présence de nombreux médecins. La leçon ne vaut que par le savoir anatomique et par le savoir-faire dissecteur du docteur Tulp, nul ne lui supposant une vue supérieure à quiconque sur la vie et la mort, la condition humaine. La leçon d’anatomie ne tourne pas à la leçon de savoir-vivre, et la délégation implicite qui préside à la monstration vaut pour définition d’une tâche spécifique au sein de la communauté. Le seul fait que le montreur, pour l’exécution de cette tâche, doive s’adresser à l’assemblée, n’implique nullement de sa part une posture intellectuelle surplombante. Délégation est faite à Tulp, reconnu sans conteste excellent anatomiste et dissecteur – voire le meilleur –, de procéder pour le compte de l’assemblée à l’examen d’un corps humain. ([…] une réponse à la question « Comment singulariser une adresse collective ? » pourrait être : en procédant devant tous à l’examen d’un seul.) Cette délégation d’examen faite au dissecteur, ou à l’homme de théâtre, n’implique pas qu’une fonction ; elle suggère le recours à des formes, et suppose des contenus qui s’éloignent très sensiblement de celles et ceux du drame […]. L’examen théâtral n’est pas manichéen, des voix diverses et concurrentes s’y trouvent associées, supposant une polyphonie radicale. Il procéderait davantage du kaléidoscope que du microscope ou du télescope. Il est plurivoque, et fait circuler le sens plus qu’il ne le fige. Plurilingual, plurivocal, plurifocal… il appelle à une diversité (disons tout bonnement à une liberté) émancipée des soucis d’unité, de registre et de genre[2].

Ce texte m’intéresse à plus d’un titre. Non seulement il fait écho à mes domaines de spécialisation, à travers les questions de l’adresse, de la polyphonie, de l’hybridité générique et, surtout, la notion d’assemblée fondant le dispositif théâtral. Mais le tableau choisi par Enzo Cormann pour illustrer son propos, ainsi que l’interprétation qu’il en propose, m’apparaissent également comme de possibles métaphores de l’enseignant-chercheur. Situé dans un entre-deux entre expérimentation et transmission, il réalise ses recherches d’une main tout en communiquant de l’autre leur résultat toujours provisoire. Cette position de passeur lui est ponctuellement dévolue parce qu’il possède un « savoir » et un « savoir-faire » qui font de lui la personne la plus apte à assurer ce relai – cette transition – entre l’objet examiné et la communauté. Mais il n’est pas pour autant, vis à vis de celle-ci, dans « une posture intellectuelle surplombante » – ce que montre bien la disposition des figures dans le tableau de Rembrandt.

Je ferai donc de cette image et de ses multiples niveaux de significations le fil conducteur de mes réflexions, qui tenteront d’établir un va-et-vient entre mon propre parcours universitaire et une vision plus large du mouvement qui conduit de la spécialité littéraire à la spécialisation de la recherche, sans omettre les résistances possibles à ce processus.

De la spécialité à la spécialisation

De Rembrandt à Magritte : l'art de la distance

La spécialité du docteur Tulp est l’anatomie, et son objet d’étude le corps – corpus – humain. Ici, c’est la littérature qui constitue notre corpus puisque dans le vaste champ des sciences humaines, nous avons choisi, à un moment ou un autre de nos études, la spécialité littéraire. En ce qui me concerne, cela s’est fait immédiatement après le baccalauréat car je n’ai pas suivi l’enseignement pluridisciplinaire de la classe préparatoire mais me suis formée d’emblée sur les bancs de la Sorbonne Nouvelle. De cette entrée dans les études littéraires, l’un de mes souvenirs les plus nets est une phrase de Bernard Alazet, remarquable pédagogue dont j’ai eu la chance de suivre les enseignements à de nombreuses reprises. Il avait introduit son premier cours en déclarant : « Le jour où, quand vous lirez la phrase “il ouvrit la porte”, avant même de penser qu’il a ouvert la porte, vous penserez “c’est un récit au passé simple” – ce jour-là, vous serez vraiment des littéraires ! » Prise à la lettre, la prophétie peut ne pas sembler très engageante, voire rebuter les aspirants littéraires. Mais pour ma part, le programme m’a immédiatement séduite car il invitait à ce qui fonde à mes yeux toute démarche scientifique : la distance vis-à-vis de l’objet étudié. Peu importe que le constat soit, ici, de nature narratologique et grammaticale (ce qui me plaisait beaucoup !) ; on pourrait aussi bien éclairer ce bref énoncé par l’histoire littéraire ou la génétique. L’essentiel est de dépasser l’illusion référentielle pour considérer l’objet textuel comme une construction. Cela n’empêche heureusement pas que l’on puisse être, en tant que lecteur, ébranlé – émotionnellement ou intellectuellement – par telle ou telle œuvre étudiée, comme le docteur Tulp peut être, en tant qu’homme, bouleversé par la dépouille du condamné à mort. Mais de même que l’anatomiste ne se laisse pas aveugler par le fait que le corps disséqué est à sa propre image, ce qui entraînerait une identification faussant toute approche scientifique lucide, il me semble que la première attitude à acquérir, pour qui devient spécialiste de littérature, consiste à mettre le signifié à distance, pour constater avec Magritte que « ceci n’est pas une pipe ».

Le scalpel ou le choix de la méthode

Une fois posée cette nécessaire distance, il faut choisir un instrument pour « procéder à l’examen », qu’il s’agisse « du microscope ou du télescope » ; Enzo Cormann préfère à ces derniers le « kaléidoscope » et le docteur Tulp manie le scalpel. Autant dire qu’il y a de nombreuses approches possibles d’un corps (ou d’un corpus) : disséquer le même pendant quarante ans ou confronter quarante corps différents, se pencher sur les circonstances du décès ou observer en détail tel tendon… Ce ne sont pas les méthodes qui manquent, en anatomie comme en littérature.

Pour ma part, mon instrument de prédilection a tout de suite été celui de la poétique. Je dois cette préférence à une sensibilité personnelle mais aussi à une merveilleuse enseignante dont les cours de poétique du récit ont profondément marqué ma première année de lettres : Agathe Lechevallier, qui conjugue de façon communicative la passion des textes et le goût de « démonter le réveil » (pour reprendre une expression employée par d’autres que moi lors de précédentes rencontres de Transitions). Mais il va de soi que démonter un réveil n’a d’intérêt que pour comprendre par quelles techniques il donne l’heure et non pour nommer une à une des pièces détachées, tout comme la dissection d’un corps humain vise à élucider le « miracle de la vie ». Ainsi, aussi formelle que puisse être une analyse, elle n’a, à mes yeux, de valeur que si elle éclaire le sens du texte étudié, par le dévoilement des moyens mis au service de ce sens. Ce goût pour la poétique s’est donc affirmé très tôt dans mon parcours et je ne m’en suis jamais détournée – même si, tout en m’étant engagée dans une thèse qui relève de la poétique des genres littéraires, j’accorde de plus en plus de place dans mes recherches au contexte esthétique et éthique de mon corpus.

Mort ou vif : le choix de la période

Une autre étape déterminante dans la spécialisation consiste à décider si l’on préfère examiner des corps plus ou moins vieux… mais le grand avantage de la littérature sur l’anatomie est que les objets d’étude qui ont vu le jour il y a plusieurs siècles ne risquent pas la décomposition, et se sont même enrichis au fil du temps de nouvelles significations. Pour ma part, je confesse cependant ma préférence pour la dissection in vivo ! Le choix du contemporain s’est imposé à moi comme une évidence dès le master 1, puis en master 2 et enfin pour la thèse : sur des sujets totalement différents (les nouvelles d’Annie Saumont, les récits pour la jeunesse autour de la Shoah et les pièces monologales), j’ai par trois fois retenu des corpus allant des années 1970 à nos jours. Le caractère non fixé de ces productions littéraires encore en évolution me passionne, tout comme le fait qu’elles répondent à des problématiques qui nous préoccupent aujourd’hui. Je suis donc « vingtième-vingt-et-uniémiste », puisqu’il est d’usage de nous désigner par le siècle durant lequel ont vécu (ou vivent) les auteurs que nous étudions.

La main ou le choix du sujet

Après ces deux étapes de spécialisation, reste bien sûr le principal : que va-t-on examiner ? Pour beaucoup, cette question est première et induit de fait le choix d’une période puis celui de la méthode jugée la plus adéquate à une telle étude. Dans mon cas, le sujet s’est présenté en dernier, parce qu’il réunissait un certain nombre de problématiques littéraires que j’avais envie de traiter. Si le docteur Tulp présente à l’assemblée la main et l’avant-bras du corps soumis à son examen, mes recherches doctorales portent sur les pièces monologales, entendues comme des textes écrits pour un(e) comédien(ne) seul(e) en scène donnant voix à un unique énonciateur premier. Je découvre sans cesse de nouvelles richesses dans ces pièces « procédant devant tous à l’examen d’un seul » (pour reprendre les mots d’Enzo Cormann qui a écrit plusieurs monologues) et je n’ai pas regretté un instant, depuis la présentation de mon projet il y a trois ans, le choix de ce sujet.

Une amie doctorante m’a un jour confié avoir entendu dire que nos objets de recherche révèlent beaucoup plus sur nous-mêmes que nous ne le croyons au départ. Je souscris volontiers à ce jugement, notamment en raison des échos inattendus qui sont apparus entre mon sujet de thèse et mon travail de mise en scène ; je pense notamment à l’importance qu’y revêt la figure du conteur – ce qui ramène à notre anatomiste et à son objet d’étude, puisque Walter Benjamin voit précisément dans la main l’attribut symbolique du conteur[3] ! Mais ceci me conduit à un aveu qui ouvrira le deuxième temps de cette réflexion : malgré ces étapes successives de réduction du champ, je fais tout – volontairement ou non – pour me spécialiser le moins possible…

De quelques résistances à la spécialisation : un art de l'entre-deux ?

Entre le livre et la chair

Au premier plan à droite du tableau de Rembrandt figure un livre ouvert, qui atteste du savoir du docteur Tulp ; celui-ci se situe donc entre le livre et la chair, et c’est cet entre-deux entre théorie et pratique qui lui permet d’être « reconnu sans conteste excellent anatomiste et dissecteur ». Sans prétendre bien entendu à une telle reconnaissance, je ressens le besoin, à mon modeste niveau, de me partager entre savoir écrit et expérimentation pratique, en l’occurrence théâtrale, puisque je mets en scène des spectacles alliant théâtre, musique et danse – pluridisciplinarité qui, elle-même, va à l’encontre de toute spécialisation. Si j’ai pu craindre d’abord que ces deux versants de mon travail se parasitent mutuellement, je découvre finalement entre les deux des « passerelles » riches de stimulations réciproques. Au-delà de cette expérience personnelle, je crois que nous avons tous besoin, par un biais ou un autre, de sortir par moments de nos studieuses recherches pour les nourrir de contacts concrets avec le monde et confronter nos savoirs à une réalité que Tulp appréhende en plongeant les mains dans la chair humaine.

Du dialogue des disciplines

Un autre entre-deux dans mon positionnement scientifique vient de ma situation à mi-chemin entre littérature et études théâtrales. Le théâtre contemporain est en effet un terrain de prédilection de ces dernières et les littéraires, qui privilégient souvent un canon ayant reçu la caution du temps, leur laissent volontiers cette matière en mouvement. Mais si la plupart des travaux critiques dont je me nourris proviennent effectivement des études théâtrales, la démarche que j’adopte relève davantage de l’analyse littéraire que dramaturgique, d’où mon rattachement institutionnel à une école doctorale de littérature française et comparée.

Ce statut hybride, entre 9e et 18e sections, me conforte dans mon goût de la pluridisciplinarité qui n’est pas à mes yeux qu’un effet de mode, ni seulement un prétexte à des économies budgétaires réalisées au nom de fusions de circonstance. Certes, nous ne vivons plus aux temps humanistes du docteur Tulp, où l’homme de sciences pouvait être tout à la fois philosophe et mathématicien, anatomiste et écrivain… J’ai sans doute la nostalgie de cet âge d’or, mais je reconnais les bienfaits de l’approfondissement des connaissances, qui place un individu dans l’incapacité d’englober tant de savoirs et savoir-faire ; il faut bien, si l’on ne veut pas se condamner à des approches superficielles, se spécialiser. Mais le dialogue des disciplines me semble alors indispensable pour éviter la sclérose ; c’est d’ailleurs pourquoi je réfléchis actuellement à un programme « jeunes chercheurs » que j’aimerais initier autour des figures de diseurs sur les scènes contemporaines et qui aura vocation à entrecroiser des approches issues de diverses branches des sciences humaines.

Du nombre de corps examinés

Une dernière forme de résistance à la spécialisation consiste à ne pas examiner un seul corps mais à en confronter des dizaines afin de dégager de cette vue d’ensemble un tableau de groupe, avec ses lignes de forces, ses dominantes et ses évolutions. Privilégier des corpus très larges, ce que j’ai fait dès mes premiers travaux de recherche, est ainsi une autre manière de ne pas vraiment se spécialiser. J’entends par là qu’en devenant spécialiste de la forme de la pièce monologale, je ne le suis ni de Koltès, ni de Philippe Minyana ou Jean-Pierre Siméon, pour ne citer qu’eux parmi les auteurs de la quarantaine de monologues que j’étudie. C’est à la fois passionnant d’englober, par cette prise de hauteur et ces approches croisées, tout un pan du paysage théâtral contemporain, et frustrant car je ne suis pas encore entrée, à ce jour, dans chacune des œuvres de mon corpus autant que je l’aimerais, alors que l’analyse approfondie d’un texte reste mon plus grand plaisir de littéraire. Il faut donc pratiquer, une fois encore, un art de l’entre-deux pour trouver le compromis idéal entre les joies de l’analyse, qui me donneraient envie d’écrire des pages entières sur quelques lignes d’un texte, et les jeux de la synthèse, qui m’ont parfois amenée à évoquer dix œuvres différentes en une seule page d’article.

À ce titre, la pratique de l’enseignement – illustrée par la main gauche du docteur Tulp (quand la droite manie le scalpel) – me semble l’indispensable complément d’un travail de recherche, ne serait-ce que par les méthodologies sollicitées. Durant les quatre années au cours desquelles j’ai assuré à Paris 3 un TD de littérature pour des étudiants de L2, j’ai autant aimé leur faire travailler le commentaire composé que les exposés de synthèse ou la dissertation. Il me semble que ces allers et retours entre étude particulière et vue d’ensemble nous rappellent utilement la nécessité de pratiquer ce va-et-vient dans nos propres travaux. Ainsi l’enseignant, comme l’anatomiste de Rembrandt et comme « l’homme de théâtre », s’est vu définir « une tâche spécifique au sein de la communauté » qui « n’implique nullement de sa part une posture intellectuelle surplombante » car « l’examen » auquel procède ce « montreur » « fait circuler le sens plus qu’il ne le fige ».

Pour conclure, je voudrais d’abord remercier les organisateurs de ce colloque, et tout particulièrement Lise Forment, de m’avoir invitée à me livrer à ces quelques réflexions, qui m’ont beaucoup appris sur moi-même comme sur la question de la spécialisation. Quelque douloureuse que celle-ci soit pour moi, elle m’apparaît indispensable car la bienheureuse époque du docteur Tulp est depuis longtemps révolue. C’est alors par le dialogue de travaux approfondis portant sur tel ou tel sujet précis et recourant à telle ou telle méthode particulière que la recherche peut progresser, et par là maintenir vivant le champ des connaissances qui est au fondement d’une culture. Mais se spécialiser n’exclut pas de se situer dans un entre-deux évitant l’enfermement, position d’autant plus naturelle pour un enseignant-chercheur que la double nature de son métier en fait un passeur entre expérimentation et transmission, comme entre l’objet examiné et l’assemblée pour le compte de laquelle a lieu l’examen. C’est donc bien un spécialiste toujours en transition.   

[1] Enzo Cormann, « Du bel animal à la mauvaise herbe » [conférence donnée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 à l’invitation du Groupe de Recherche sur la Poétique du drame moderne et contemporain de l’Institut d’Études Théâtrales], À quoi sert le théâtre ?, Besançon, Les Solitaires intempestifs, coll. « Essais », 2003, p. 140.

[2] Ibid., p. 141-144. Les italiques sont dans le texte d’origine.

[3] « … la narration n’est nullement, par son côté sensible, le produit de la seule voix. Dans toute vraie narration la main tient une place, elle qui soutient de mille façons ce que l’on énonce de ses gestes experts en travail. » (Walter Benjamin, « Le narrateur » [1936], Écrits français, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1991, p. 228-229).