Sablier n° 1.9.

 

Ce que je vois et entends par la fenêtre... n°9
 


Tristan Bourhis

04/04/2020

Levé tôt, j’entends quelqu’un frapper à la porte. Le facteur, courrier en recommandé.

Mon employeur est l’expéditeur, ce sont sûrement les papiers pour le chômage technique. Je mets la lettre de côté et prépare mon café. Je roule ma cigarette et je m’installe dans le jardin, tasse et lettre à la main, clope à la bouche. Il fait beau, ni trop chaud, ni trop froid. C’est agréable. J’entends le chien des voisins aboyer, mon chat miauler, les oiseaux chanter. Ils chantent depuis trois heures du matin. Je sors le briquet de ma poche, allume ma cigarette et range mon briquet. J’expire la fumée sur une araignée qui s’approchait trop près de ma tasse. Je bois une première gorgée de café, repose ma tasse et retire sur ma cigarette. Plus ou moins réveillé, je décide de déchirer l’enveloppe. « Cette période d’essai ne s’avérant malheureusement pas concluante, nous vous indiquons que, conformément à la législation en vigueur, vous cesserez de faire partie de nos effectifs. ». Je n’y crois pas. J’ai été viré. Ne comprenant rien, j’appelle les managers, demande la raison de ce licenciement. Tous choqués, ne comprennent pas cette décision, ni ne l’approuvent. De colère, je fume une autre clope, encore une, encore une autre. Je suis dans l’incompréhension totale. Confiné et viré, ça commence bien. Un numéro masqué m’appelle. Ma directrice, elle a eu vent de mon attitude révoltée face à cette décision. Elle s’excuse et me dit : « Tu es viré, mais pas vraiment. » Pas vraiment viré, c’est-à-dire ? Elle m’apprend que, officieusement, pour alléger les charges de l’entreprise, le responsable des ressources humaines a pris la décision de virer tout employés en période d’essai. Elle s’excuse à nouveau et me confirme que mon travail était irréprochable. Elle compte m’employer à nouveau à la fin du confinement. Je fume encore. Je tremble. Je l’interromps : « Ce comportement est égoïste, aberrant et inhumain. On me jette comme une vieille chaussette et tu crois que je vais revenir comme un petit chien quand on me rappellera ? ».

Confiné et viré mais je compte garder ma fierté.

 

19 mars 2020

Powered by : www.eponim.com - Graphisme : Thierry Mouraux   - Mentions légales                                                                                         Administration