Exergue n° 37

 

  

« Le héros de la Gradiva est un héros excessif : il hallucine ce que d’autres ne feraient qu’évoquer. L’antique Gradiva, figure de celle qu’il aime sans le savoir, est perçue comme une personne réelle : c’est là son délire. Elle, pour l’en tirer doucement, se conforme d’abord à ce délire ; elle y entre un peu, consent à jouer le rôle de la Gradiva, à ne pas casser tout de suite l’illusion et à ne pas réveiller brusquement le rêveur, à rapprocher insensiblement le mythe de la réalité, moyennant quoi l’expérience amoureuse prend un peu la même fonction qu’une cure analytique ».

Roland Barthes, Fragments d’un Discours amoureux,
Seuil, « Collection Tel Quel », 1977, p. 147.

 
 



Virginie Huguenin

26/05/2012

 

Soit l’amante, l’actrice, porteuse d’une expérience amoureuse, une aire de jeu entre la Gradiva et l’amant qui, dans son excessive passion pour cette dernière, garde quelque chose d’enfantin.

L’amante représente cette mère qui, pour un temps, entretient le délire d’omnipotence de son enfant pour lui épargner la douleur de l’abandon et de la perte de soi.

« Suffisamment bonne » (Winnicott), elle éveille l’amant à ce qu’elle n’est pas : la Gradiva. Mais « doucement », progressivement. L’expérience amoureuse, dans son déploiement, comble le manque.

Où est la place de la littérature là-dedans ?

Précisément ici. Dans ce lent mouvement d’amour, insensible et donc quasi magique, qui réconcilie l’homme avec la réalité du monde.