Exergue n° 74

 

 

« En histoire, la chute est toujours préparée par une désintégration intérieure, un épuisement. Une petite secousse extérieure suffit alors pour tout ébranler. […] Une crise qui éclate pour un motif quelconque profite de la poussée générale déclenchée par de nombreuses autres causes ; aucun des témoins n’est capable de discerner quelle sera la force qui l’emportera pour finir. »

Jacob Burckhardt, Considérations sur l’histoire, 1868.
Cité par Georges Didi-Huberman in L’Image survivante. Histoire de l’art
et temps des fantômes chez Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, p.127.

 
 


Manon Worms

06/04/2013

 

La chute ; la petite secousse, l’ébranlement, l’éclatement, la poussée générale, une force, plusieurs, finir. Est-ce notre vice à nous de trouver là des métaphores ? Hé ! C’est une liberté : sur ces « considérations » générales, nous pouvons projeter ce que nous voulons, tout ce qu’on peut entendre sous la « désintégration intérieure » ou sous « l’épuisement ». Plaisir de laisser à chacun y comprendre ce qu’il voit; plaisir peut-être du savant sous sa blouse, sur le point d’interpréter ces phénomènes dans le laboratoire de l’Histoire, tiens, ça rime.

Disposons donc nos rouages. Quelle chute, quelle crise ? Jusqu’où ? Et puis quelles causes ? La seule chose dont on est sûr, au fond, serait cette poussée générale… qu’on sent nous pousser aussi, comme le vent dans le dos sur une plage, à aller chercher d’autres secousses pour « tout ébranler », nos crises, mais aussi nos certitudes et nos contextes.

Mais alors, la fin ? La force qui l’emportera ? Indiscernable ? Peu importe ; essayons juste pour l’instant d’être un peu plus que des témoins…