Exergue n° 107

 

« Le mot qui s’impose à moi pour parler de mon film, c’est transition. Mon film transite. »

Wim Wenders, dans Samira Gloor-Fadel, Berlin-Cinéma (Titre provisoire).

 
 



Gilbert Cabasso

08/02/2014

Wenders préparait Si loin si proche, qui devait sortir en 93. Samira Gloor Fadel, cinéaste suisse d’origine libanaise, le suit dans les rues de Berlin. Elle filme ses rencontres avec Jean Nouvel, l’architecte. L’un et l’autre confrontent l’idée qu’ils se font de leur art. Leurs dialogues circulent dans la ville en (re)construction, s’aventurent jusqu’à ses fondations. Samira Gloor-Fadel enregistre Godard qui vient de réaliser Allemagne année neuf zéro. En voix-off, on l’entend dire : « il suffit d’une voiture, d’un homme, d’une femme » et naît la fiction. Wenders, lui, comme à son habitude, filme des trains, des parcours, des courbes, des lignes de fuite, des espaces vides, interstitiels, des frontières comme des cicatrices, le mur, les traces d’histoires singulières, réduites aux noms propres ineffaçables, ceux de notre Europe. Samira Gloor-Fadel se glisse dans ses rêveries de cinéaste au travail. Et puis Wenders, chuchotant presque, sur les images d’un train traversant une gare vide : « Le mot qui s’impose à moi pour parler de mon film, c’est transition. Mon film transite ».

Les films engagent parfois ainsi ces dérives aléatoires, cette conjugaison heureuse de mouvements incertains, ce jeu de mobilités d’où naît le récit. Nouage risqué entre ces purs mouvements et le désir de récit. Capture soudaine de ce nouage, dans un aveu presque abandonné, comme on livrerait à basse voix une confidence, presque un secret. Rares sont de telles confidences !

  

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