Abécédaire

 

 
Diable n° 1
 
 


Noémie Bys

11/11/2017

 

 

Vient du grec diabolos, celui qui divise, qui désunit, par la haine ou par l’envie.

Le Diable promène ses mécènes anonymes depuis des millénaires. Jamais las d’équivoques, sorti tout droit d’un livre, il creuse son sillage pour détourner les chemins blancs. On y a cru, on y croit parfois encore.

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On dit : Le petit chat est mort, et c’est la faute du Diable. La menace d’un mal en puissance a fait naître ce trou, béant, de la culpabilité. On y poussa Ève la première, et les autres suivirent, interminablement.

Un procès infini sous le signe de l’opposition, toujours l’un contre l’autre. Les Méchants et les Bons. Chacun se méfie de chacun, mais le doute persiste, on ne sait qui est le diable. Il faut dire que l’âme est ce qui se voit le moins.

Le Diable a quitté ses grands livres sacrés pour venir habiter la morale. Son enseignement développa en contrepartie une grande stratégie de la bonne conscience, à savoir la politesse et la charité. Mais cela ressemble à une vulgaire récupération, sans doute plus complexe, car le diable disperse ses diablotins par diverses tentations. L’art de la séduction comme première conquête, il lui suffit de détourner par un sourire, un regard choisi, la voix de la raison. Le diable est là où on ne l’attend pas, et peut-être que la raison aussi.

Le diable au cœur, le diable au corps élaborent un désir, les frissons d’une cadence endiablée, – se dit aussi passionnée. Les plaisirs anonymes lourds d’amour. Ces mots tout chauds là, bien travaillés, dont les rimes endorment tout effort de résistance. Ceux-là, je veux qu’ils n’appartiennent ni à Dieu ni au Diable.

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D’un premier essai un peu facile je voulais le défendre, ce monarque des enfers, me mettre de son côté, par goût de provocation, par bêtise de contradiction. Défendre le diable, les diableries et les diablotins avec une tendresse pour leurs écarts amoraux, les vices embellis, l’affranchi. Le diable et ses mauvaises fréquentations, sa laideur, et ses manipulations. Par peur de l’ennui.

Et puis, une peur plus grande est arrivée, par des images, par des motifs, par des couleurs. Des mots qui terrifient comme ceux de Sabbat et de Satan. Terreur aussi des histoires entendues enfant : le diable viendra te chercher à la nuit si tu continues à errer si tard. Le Malin, c’est aussi les superstitions, il s’incarne, s’implante, et possède. Sous couvert de différents noms : Lucifer, Belzébuth, Belphégor, si toutefois on ose lui donner un nom. Sa perfidie repose sur un costume toujours appliqué, s’habillant à la mode de tous les temps, les cornes et les ailes membraneuses comme des accessoires, le déguisement n’a plus l’évidence apocalyptique. Le diable semble maintenant dangereusement anonyme.

Fuir une dernière fois la tradition mystique, « au diable dieu » ou « au diable vauvert ».

Ne retenir que la métaphore.

 

 

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