Abécédaire

 

 

Ride(s)




Noémie Bys

06/05/2017

 

 

 

À attraper, peut-être, avec le temps. Fruit d’une physionomie changeante, incontrôlable et génétique, qui nous lie avec ce que l’épiderme veut bien reconnaitre de son époque.

Les essayer au pluriel, le nombre augmente les histoires.

Rides du lions, rides d’amertume, rides d’expressions, rides du front, et les mains, veineuses : ce sont autant de petits sillons qui viennent tuer le temps en l’abîmant dans le corps. La rose, et les autres fleurs, délivrent l’image d’une vieillesse que l’on ne veut pas voir, un affaiblissement qui ne semble plus compatible avec ce qu’ils appellent « beauté ». La fleur de l’âge et l’âge d’or. Rides superficielles ou en profondeur, la subtilité des virages sur la peau avertit la délicatesse du nombre des années.

Comme un jour d’hiver au printemps.

Les rides apparaissent par trop d’expressions, trop cligner des yeux, trop rire, et trop pleurer, c’est le trop qui marque.

Un visage trop lisse et l’on déplore son manque d’expériences, que pourra-t-il donc bien raconter ? L’insolence d’une aurore lointaine. C’est le prix à payer pour taire encore un peu les effluves nostalgiques, et satisfaire les appétences folles des évènements en devenir.

Et la rose à midi quitta son rêve, car les rides sont aussi, parfois, ces petites plissures du cœur que l’on rechigne à rendre visibles. Elles sont un secret, un détail qui se glisse dans un sourire, dans une voix. Elles sont l’ombre du cœur de soi-même.

« Les rides s’accommodent mal avec l’amour », c’est Furetière qui le dit. Moi, je ne veux pas y croire. Du reste, je préfère voir la complicité des âges, ces sinueux plis qui aiguisent le regard, et dessinent deux petites parenthèses au coin des lèvres. Celles-là sont les sillons nasogéniens. Et les mille rayons extérieurs aux paupières, qui anoblissent le regard béant d’un horizon bancal. Celles-là sont les pattes d’oie. « Rides », le mot est âpre, court, et claque. Trop pudique pour dévoiler son immense tendresse.

Il n’y a jamais trop de style sur un visage.