Abécédaire

 
Labyrinthe
 
 


Hélène Merlin-Kajman

13/02/2016

Méandre parle au labyrinthe

1. C’est à Méandre, fleuve de Phrygie célèbre pour ses sinuosités, qu’Ovide compare le labyrinthe inventé par Dédale pour y enfermer le minotaure. Car quoiqu’il n’ait pas de monstre à cacher (à ce qu’on sache), Méandre égare, paraît rebrousser chemin, retourner à sa source, mélanger ses rives et ses eaux ; bref, il trompe le regard et embrouille les sens.

2. J’ai beaucoup aimé chercher la sortie des labyrinthes sur les cahiers d’enfant. Mais le tracé est hésitant, souvent faux, et le résultat me décevait toujours.

Mais lorsqu’on dessine une carte de géographie, les méandres font plaisir à tracer : la main comprend la lenteur du fleuve serpentant entre ses rives ; elle sait qu’à cet endroit où doucement ses doigts vont, il s’alanguit.

La forme ondulée guide la main. Mais dans le cas du jeu du labyrinthe, la pensée raisonne, anticipe, calcule, et la main n’est que son instrument prudent, méfiant. Elle n’a rien éprouvé de la langueur de l’eau.

3. Le fleuve se contracte, se rétracte, renonce, reprend, se ramasse, se détend, s’élance.

Et tout dépend de la tendresse des roches, de la vigueur de l’eau.

Tracé par la main d’un architecte industrieux, le labyrinthe ne s’anime que de cris de détresse ou de cris de joie.

4. Dans la sécheresse de l’été, on voit le lit d’un méandre plein de sable et de cailloux. On voit la coulée de l’eau et où elle a creusé. On voit la trace des tourbillons.

Et l’on devine l’ardent appétit du fleuve quand il flâne, s’étale, dévale.

La terre a soif des pluies qui lui rendront le vif courant des eaux.

5. Pour la pensée, ni le labyrinthe ni le méandre ne sont pas de favorables métaphores.

Que serait en revanche l’imagination, sans méandres ? Quant au cœur, n’a-t-il pas tout du labyrinthe ?

6. Un méandre n’est pas un virage à 180°, mais un tourment ou une contradiction.

Le labyrinthe aggrave la chose.

Le méandre est à lui-même son fil.

Le labyrinthe est peuplé de monstres et d’échos.

7. Les poissons, les nageurs et les oiseaux suivent le lit du fleuve, aussi mouvementé qu’en soit le cours, dangereuses les gorges, et nombreux les méandres.

Dans le labyrinthe on est parfois jeté sans l’avoir décidé. On se cogne aux parois, on se trompe, on s’égare, et la détresse est grande.

8. Certains regards, même quand ils se troublent, ne font jamais de méandre ; car il ne faut pas confondre méandres du cœur et méandres de l’âme.

C’est à deux, toujours à deux, qu’on se sauve du labyrinthe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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