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Une communauté de destinataires en alerte de la merveille 

Jean-François Lyotard

Nous déclarons gaiement :
Un peu de mouvement.
Juste ce qu’il faut pour espérer.
Sereins nous annonçons ce branle :
Tout branle, et rien ne branle, tout est à ébranler.

D’accord : nous habitons un monde qui ne nous satisfait pas. Exténué, galopant entre égarement et pétrification, allant à grande vitesse on ne sait où presque sans nous, jetant les enfants dans une désorientation parfois panique, une sorte de rire noir qui travestit le temps.

Nous ne savons rien de l’avenir. Cependant il nous le faut projeter, mieux qu’on ne le fait pour nous tous les jours. Les couleurs manquent. L’injustice nous requiert, mais sans couleurs, la détresse et la rage peuvent fourvoyer. Du présent tout peut jaillir encore. Du passé viennent de diverses choses, infâmes mais aussi de belles et joyeuses, selon une proportion inégale, jamais tranchée. Nous les revendiquons toutes. Les examinerons, les réinventerons, digérerons, recracherons, ferons le fiel, ferons le miel. Surtout le miel.

Winnicott voyait dans la culture la forme sociale de l’aire transitionnelle du nourrisson, dont la santé psychique s’altérait s’il en était privé.

Nous le pensons de la littérature, sans nostalgie du doudou. Et l’appelons grande, et bonne.

L’âpreté de l’histoire ne condamne pas au reniement de tout passé. Pour peindre l’avenir, il faut couleurs et pinceaux, il faut géométrie, science des signes, des choses humbles, des choses savantes. Il faut, plutôt que continuer à faire le compte hébété des cicatrices, se souvenir des gestes, de la main qui dessine, du regard émerveillé qui se pose. Que suintent les plaies, hélas, il est trop vrai – et transit l’imagination : mais transir l’imagination ne les guérit pas.

Nous ne voulons plus transir - appelons à transiter, transhumer, traditionner, transporter !

Transitions veut associer patience et hardiesse, ferveur et colère, inquiétude et confiance, ébullitions. 

La modernité fut immodeste mais pleine d’ardeur. Nous en retiendrons l’ardeur, la voilerons d’expérience, et, souriants plus que rieurs, recueillerons le passé.

Les hommes n’ont pas chômé, et tout derrière n’est pas que terreur et charniers. Reconnaissants, nous nous tournerons vers leurs œuvres, joyeusement pour tant d’entre elles, pour les autres sans dégoût ni vertige, sans complaisance il va sans dire.

Hardiesse, intensité, car il y a urgence, et la jeunesse les requiert. Nous allons brûler des étapes, écrire, parler ! – renonçant aux chemins attardés de la mélancolie et de la méfiance.

Patience : nous allons accueillir l’admiration, paix comprise. Et la lenteur qu’il faut pour comprendre, et le calme de nous retourner.

Déclarerons que le beau n’est pas mort. Ni le simple, ni le premier degré, ni la valeur, tous à réinventer.

Nous jugerons que des œuvres sont belles et plus que d’autres valent, plus intenses et plus parlantes, plus décisives : nous voulons que les cœurs battent, et qu’ils le disent.

Civilité, obstinément, car nous ne croyons pas à la solution de l’invective. Donnerons l’hospitalité aux points de vue les plus adverses, s’ils acceptent cette simple règle, d’être, avec tous, civils.

Enseignements enfin, plus qu’informations, selon l’utile distinction de Benjamin qui suggérait d’entendre des histoires, d’en raconter, d’en recevoir, d’en diffuser. Que ce lieu soit de bon conseil et de bon partage. Racontons-nous donc des histoires, des expériences.

Voyez, nous vous invitons !

 

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