Abécédaire

 

 
Rime n° 3
 
 


Augustin Leroy

18/06/2016



Placée en fin de vers, baptisée du nom ronflant d’homéotéleute (vite, vite, de l’homéopathie ou je fais une émeute !) dans la prose, croisée, plate, embrassée, riche, pauvre, masculine, féminine… On pourrait continuer longtemps, à la place de la rime, que de la frime !

Disons seulement et pour commencer :

Un rime requiert toujours d’aller à deux.

Tout seul ne rime à rien, je

appelle un autre jeu.

Même dans « Chantre », d’Apollinaire, cette ligne seule étendue sous son titre, qui chante une absence chagrine :

« Et l’unique cordeau des trompettes marines ».

La conjonction de coordination la rappelle, le blanc ne l’a pas complètement effacée.

Deux qui font la paire tout en se dépareillant

Fin

Fin

Fin

Fin

Pas des rimes. Mais

Fin

Faim

Désir d’en finir, mais à la fin, il retrouva l’appétit.

Mode des rimes, n’en déplaise à l’énorme enthousiasme des voyants emplumés. Certaines ainsi sont désuètes et fatiguées, comme ténèbres/funèbres, mer/amer, des coups de cloches de l’Histoire, bien au chaudes, dans la mémoire. La rime de nos rivages : une marelle grande comme la rue, le vers qui ira à cloche-pied sans s’en prendre aux tympans.

Ah mais Monsieur on peut aussi rimer tout doucement. Pas besoin d’être pompier et ce n’est pas parce qu’on a fait rimer pendant des siècles asile avec exil que je n’entends pas, si belle la plainte d’Andromaque, à genoux, qui demande la vie ou une île.

La rime rythme la géographie des affects et pose du sens dans le temps. L’écho, fabuleux, qui passe entre les plis d’un paysage et s’estompe dans les vallées du visage, me laisse tout coi, pantelant, comme ivre d’un je ne sais quoi.

Mais qu’est-ce qui luit ?

Crooâââ Crooâââ Croââââ, ça vient du fond de moi, l’onomatopée animale du corbeau de La Fontaine qui fait tomber sa proie et avec lui sa rime, sa voix et l’écho d’une récitation apprise dans l’enfance, par cœur.

La rime d’une pierre trois coups :

Deux semblables main dans la main

Disons que ça sert pas à rien

Car c’est comme ça qu’on s’en souvient.

Et que c’est même comme ça qu’on apprend, tout enfant, à compter :

Un petit cochon

Pendu au plafond

Tirez-lui la queue

Il pondra des œufs

Un, deux, trois… mais, attendez, il se n’agit plus de rime, mais de compter les syllabes. Ah oui mais ça, c’est une autre histoire.

Bonsoir !

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